Comment vont les victimes des attentats de janvier contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, des attaques de Montrouge et de Dammartin-en-Goële ? Comment sont-elles prises en charge ? Pour évaluer l’impact de ces drames, l’Institut de veille sanitaire (InVS) a lancé une enquête auprès de 400 personnes présentes sur les quatre lieux : victimes directes ou endeuillées, témoins et intervenants (secouristes, forces de l’ordre). Pour cette étude, appelée « Investigation des manifestations traumatiques post-attentats et de la prise en charge thérapeutique et de soutien » (Impact), une vingtaine de psychologues spécialisés se sont entretenus avec les participants durant une ou deux heures, entre le 1er juin et le 30 octobre.
« L’objectif est aussi de donner des outils d’amélioration de la prise en charge, dans la coordination et dans l’aide aux victimes », détaille Stéphanie Vandentorren, épidémiologiste à l’InVS, qui a piloté l’étude. Financée par la Fondation d’aide aux victimes du terrorisme, soutenue par l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France, Impact s’est inspirée de la cohorte norvégienne mise en place après les attentats de juillet 2011 qui avaient causé la mort de 77 personnes. Les résultats ne seront connus qu’au premier semestre 2016, mais ce travail a déjà permis de relever les forces et les faiblesses de la prise en charge. « Comme pour l’étude norvégienne, il y a des retombées immédiates, comme le fait de réorienter des patients qui ne vont pas bien vers des structures de soins en cas de besoin », souligne Stéphanie Vandentorren.
« La plupart des études mesurent “seulement” l’état de stress post-traumatique, mais pas forcément le fait que les gens ne peuvent plus sortir de chez eux, ne dorment plus, se mettent à boire, deviennent agressifs, perdent goût à la vie, au travail », décrit Thierry Baubet, psychiatre à l’hôpital Avicenne (Seine-Saint-Denis), coordinateur scientifique d’Impact. En recrutant les participants, les psychologues ont rencontré des personnes qui ne s’étaient pas manifestées jusqu’alors et qui, pourtant, souffrent. « Je n’ai pas le droit de me plaindre, j’aurais pu mourir », disent-elles.
Séances de « déchocage »
« Depuis une semaine, nous utilisons des enseignements de l’étude Impact dans notre pratique, ajoute Nicolas Dantchev (psychiatre, Hôtel-Dieu, AP-HP). Cette enquête nous a appris qu’il faut précocement baliser la prise en charge pour éviter ce qu’ont vécu certains : une hypersollicitation dans les premiers jours, puis un sentiment de délaissement. Nous nous efforçons aussi, cette fois, de délivrer les certificats médicaux initiaux au fur et à mesure. C’est important pour une éventuelle reconnaissance comme victime d’attentat. »
A la suite des drames de janvier, une unité de soins psychotraumatismes et résilience a ouvert en septembre au centre de santé de l’Œuvre de secours aux enfants (OSE), à Paris. Une quarantaine de psychologues et de psychiatres ont été formés. « L’idée est de recevoir des personnes touchées par les attentats pour quatre ou cinq séances pour un déchocage car elles ont vécu une situation exceptionnellement violente. Puis de les orienter au besoin dans un réseau spécialisé », explique Patricia Sitruk, directrice générale de l’OSE. Les consultations sont gratuites, et les thérapeutes bénévoles.
« Après l’attentat de l’Hyper Cacher, l’association a pris en charge 25 ex-otages ou proches »,note le psychologue Eric Ghozlan, responsable de cette unité. Le nombre de consultations avaient baissé après l’été, mais depuis vendredi des personnes ont rappelé spontanément. Une ex-otage qui ne voyait plus son thérapeute depuis fin septembre a repris rendez-vous. « Je redoutais un autre attentat. Là, c’est pire que tout. Vendredi soir, je ne pouvais plus respirer, mes jambes tremblaient, c’était la panique. Depuis, la peur est omniprésente », dit cette mère de deux enfants.
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