Dinesh Bhugra (Professeur émérite de Psychiatrie au King’s College de Londres, au Royaume-Uni) et Antonio Ventriglio (psychiatre à l’Université de Foggia, en Italie) s’interrogent sur la possible (voire très vraisemblable) « influence de la culture sur la réponse à un placebo. » En effet, l’appartenance du sujet à une culture donnée détermine en grande partie ses « schémas cognitifs et interprétatifs », de façon implicite ou inconsciente, en particulier pour la connaissance de ses troubles, du sens à leur donner, et du cadre nosographique et thérapeutique auquel se fier. Par exemple, expliquent les auteurs, les patients de Taïwan « attendent que des médecins allopathes leur prescrivent des injections, alors qu’en Chine (continentale), les préférences des malades vont à la phytothérapie. »
L’influence de la couleur du comprimé
Ces divergences de perceptions culturelles devraient être davantage prises en compte dans les classiques essais thérapeutiques versus placebo, car elles peuvent entraîner des nuances importantes (voire des biais) dans l’interprétation des résultats de ces essais. Ainsi, les couleurs des produits ingérés peuvent avoir des connotations variées, susceptibles d’interférer sournoisement avec l’issue d’un essai clinique : « des comprimés blancs sont perçus comme des antalgiques par des sujets Caucasiens (Blancs), mais comme des stimulants par des Afro-Américains (Noirs), tandis que des comprimés noirs sont perçus comme des stimulants par des Caucasiens, mais comme des antalgiques par des Afro-Américains. » Autre exemple d’influence subtile des couleurs sur la connotation cachée prêtée aux produits ingérés (molécule active ou placebo) : dans la présentation du produit, des couleurs chaudes (rouge, orange, jaune) renvoient généralement à l’image d’un médicament stimulant, alors que des couleurs froides (bleu, vert, violet) évoquent plutôt un antidépresseur.
Sirop ou injection
Et comme les facteurs culturels (connus ou non) demeurent « au cœur du fonctionnement individuel », il est donc nécessaire de « comprendre les attentes et les réponses aux médicaments à la lumière des variations bioculturelles » et de prendre en compte ces références implicites, parallèles au traitement, pour mieux atteindre l’objectif thérapeutique. Ainsi, la préférence de certaines populations va aux sirops, quand d’autres apprécient les comprimés, et d’autres encore n’associent l’efficacité thérapeutique qu’aux seules injections. Inhérente à l’effet placebo comme à l’approche culturelle du médicament, et débouchant sur la notion d’ « ethnopsychopharmacologie », cette dimension culturelle est sans doute susceptible de majorer ou de minorer l’efficacité objective d’un produit actif.
Dr Alain Cohen
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