Déjà expérimentée chez l'animal, une thérapie génique a fait l'objet d'un essai chez quinze patients souffrant depuis au moins cinq ans d'une maladie de Parkinson et présentant les complications motrices classiquement observées avec le traitement médicamenteux. Coordonnée le professeur Stéphane Palfi, chef du service de neuro-chirurgie de l'hôpital Henri-Mondor (Créteil, Assistance publique-hôpitaux de Paris), une équipe franco-britannique comprenant des chercheurs de l'Inserm et du CEA en publie les premiers résultats dans la revueThe Lancet daté de vendredi 10 janvier. Le Parkinson est la deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente en France après la maladie d'Alzheimer.
L'étude montre que le transfert des gènes gouvernant la synthèse de trois enzymes est bien toléré et permet de rétablir la fabrication par une structure cérébrale d'un neurotransmetteur décisif pour le contrôle de la motricité, la dopamine. Dans la maladie de Parkinson, qui touche quelque 120 000 personnes en France, la dégénérescence progressive des neurones cérébraux de la « substance noire », qui produisent la dopamine, est à l'origine des manifestations de plus en plus sévères : tremblements, rigidité des membres, diminution des mouvements corporels...
LUNE DE MIEL
Le traitement médicamenteux fait appel à la L-dopa, un précurseur de la dopamine qui mime son action. Il donne de bons résultats en termes de motricité dans les formes débutantes de la maladie, mais inéluctablement cette « lune de miel » se termine. En règle générale, après quelques années, l'efficacité du traitement fluctue et des complications motrices surviennent, avec des mouvements anormaux involontaires.
« Ils sont aussi invalidants que les signes présents avant le traitement par la L-dopa. Ils résulteraient de l'administration orale et discontinue de L-dopa, qui entraînerait des pics de concentration dans le cerveau », a rappelé le professeur Palfi lors d'une conférence de presse jeudi 9 janvier. D'où l'idée d'une thérapie génique aboutissant à une sécrétion continue et localement dans le cerveau de dopamine. Le concept repose sur le fait que trois enzymes permettent à un neurone de produire de la dopamine. Il suffirait donc de lui apporter les gènes gouvernant leur synthèse grâce à un vecteur viral.
Les chercheurs ont travaillé avec la société de biotechnologie britannique Oxford Biomedica, qui a assuré la quasi-totalité du financement des essais. Après les études in vitro, la technique a été testée chez le rongeur, puis chez le primate. Un nouveau type de vecteur, baptisé ProSavin, a été mis au point pour transporter les trois gènes thérapeutiques. Il dérive d'un lentivirus du cheval (le lentivirus le plus connu est le VIH, agent du sida) et a été rendu inoffensif.
INJECTION BILATÉRALE
La thérapie génique nécessite une intervention dite stéréotaxique où, après repérage radiologique, une aiguille injecte une solution contenant le vecteur et les gènes précisément dans la région motrice d'une structure du cerveau, en l'occurrence le striatum, présente dans chaque hémisphère. L'injection est réalisée de manière bilatérale, sous anesthésie générale. Le vecteur parvient à la membrane du neurone et l'enveloppe contenant son génome, gènes correcteurs compris, gagne le noyau du neurone dans lequel il s'intègre. Les études préliminaires chez l'animal avaient montré que les gènes correcteurs peuvent alors s'exprimer et entraîner la production de dopamine.
Le premier patient participant à cet essai clinique a reçu la thérapie génique en mars 2008. Quatorze autres ont suivi, en France et au Royaume-Uni, avec trois niveaux (bas, moyen, élevé) de doses administrées selon les patients. Tous les patients étaient sur pied dans les 24 heures suivant la chirurgie et tous les quinze ont quitté l'hôpital une grosse semaine après l'intervention. « Il n'y a pas eu de réponse inflammatoire et pas d'effet indésirable sérieux. Nous avons plusieurs années de recul avec une très bonne tolérance », souligne le professeur Palfi.
Une amélioration significative des scores moyens obtenus sur une échelle évaluant la gravité des symptômes de la maladie a été notée chez tous les patients à six mois de distance de l'intervention, ainsi qu'à un an, indiquent les chercheurs dans leur article. L'amélioration porte sur la motricité (rigidité et diminution des mouvements) mais non sur le tremblement. « Il faut noter qu'il existe une relation effet-dose : le bénéfice augmente avec l'importance de la dose », insiste le professeur Palfi.
SÉCRÉTION DE DOPAMINE
Les contrôles effectués au moyen de la tomographie par émission de positons (TEP) confirment la sécrétion de dopamine dans le striatum, la structure où l'injection a été pratiquée. De plus, la thérapie génique favoriserait la conversion de la L-dopa, administrée oralement, en dopamine, soit un deuxième mécanisme dont pourraient bénéficier les patients traités.
Les chercheurs restent toutefois prudents au regard de cet essai préliminaire : « Bien que les résultats en termes d'efficacité paraissent prometteurs, l'ampleur des effets demeure de l'ordre de ceux constatés avec un placebo [substance ou technique inactive utilisée par comparaison pour tester une thérapeutique] dans d'autres essais cliniques faisant appel à des techniques chirurgicales pour le Parkinson et elle doit être interprétée avec précaution », écrivent-ils dans l'article du Lancet. La technique chirurgicale évoquée est la stimulation cérébrale profonde, qui consiste à implanter chirurgicalement dans le cerveau des électrodes qui délivrent du courant électrique. Elle est utilisée chez des malades atteints de Parkinson dans des formes très évoluées.
Stéphane Palfi souligne toutefois que la durée persistante de l'amélioration et l'existence d'une relation dose-effet laissent penser qu'il n'y aurait pas un simple effet placebo. Pour le confirmer, le neurochirurgien précise qu'il faudra pratiquer un nouvel essai clinique, dit de phase 3, comparant à un groupe de malades ne recevant pas la thérapie génique mais un autre traitement. Cet essai pourrait selon lui intervenir aux alentours de 2020. Cependant, la thérapie génique n'empêche pas la maladie de Parkinson de progresser. Elle pourrait prolonger la « lune de miel » de trois à cinq ans actuellement jusqu'à dix ans. L'espoir des chercheurs est de pouvoir proposer cette technique, si elle est validée, chez les patients dont la maladie est encore débutante.
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