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lundi 6 janvier 2014

Internet peut aussi être utile contre les troubles alimentaires

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 
Le développement de communautés en ligne, de blogs, de forums sur l’anorexie ou la boulimie encourage-t-il les troubles du comportement alimentaire (TCA) ? Un rapport intitulé « Les jeunes et le Web des troubles alimentaires : dépasser la notion de “pro-ana” », disponible sur anamia.fr, apporte un démenti à cette accusation fréquemment émise.
Ce rapport est le fruit d’une étude coordonnée par Antonio Casilli, sociologue à Télécom ParisTech, et Pierre-Antoine Chardel, philosophe à Télécom Ecole de management. Appelé Anamia (dans le jargon d’Internet, Ana et Mia désignent respectivement l’anorexie et la boulimie), ce projet de recherche, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), a démarré en 2010, coordonné notamment par l’Institut Mines-Télécom et l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Il vise à étudier la structure, la fonction et l’influence des réseaux sociaux regroupant des personnes touchées par des TCA.

UNE CARTOGRAPHIE DU WEB
L’anorexie mentale toucherait entre 1 % et 2 % de la population, et la boulimie 3 % à 4 %, mais il n’existe pas de données épidémiologiques en France. Les causes de ces maladies sont multiples et complexes. Les communautés en ligne regroupant des personnes souffrant de TCA sont apparues au début des années 2000. Depuis, une soixantaine d’études analysant le contenu de tels sites ont été publiées, surtout par des médecins, mais peu de cette ampleur.
Pour cette étude, Anamia a d’abord réalisé une cartographie du Web afin d’extraire un corpus de données par data mining(fouille). L’étude comportait aussi des questionnaires en ligne, des entretiens et une analyse de réseaux sociaux.
Les contenus de ces sites, forums, réseaux sociaux, blogs d’usagers, dont certains dévoilent des pans de vie, représentent une masse de données impressionnante, qui a été passée au crible. En France, 559 sites ont été répertoriés en 2010, 593 en 2012 – probablement une fourchette basse, car ces chiffrent n’incluent pas les groupes de réseaux de type Facebook. 287 questionnaires en ligne exploitables ont été collectés, puis 37 entretiens ont été réalisées.
Premier enseignement de ces travaux : « Contrairement aux idées reçues, ces sites ne font ni l’apologie des troubles alimentaires ni du prosélytisme », explique Antonio Casilli.
Certes, le ton est souvent provocateur, plusieurs sites affirmant que ces troubles sont un choix de vie plutôt qu’une maladie, et les images parfois choquantes, ce qui a valu à ces sites l’appellation péjorative de pro-ana. M. Casilli juge cependant l’expression abusive, et lui préfère celle d’anamia.
OFFRE DE SOUTIEN EN LIGNE
Les jeunes filles vont parfois jusqu’à décrire les méthodes pour s’affamer ou se faire vomir, et mettent en ligne des photos personnelles ou de célébrités retouchées et très amincies. Certaines font l’éloge du thigh gap, ou « espace entre les cuisses », Graal de celles qui veulent s’identifier à des mannequins.
Pareil phénomène, dangereux pour la santé, inquiète. Le psychiatre Gérard Apfeldorfer, spécialisé dans ces pathologies, dénonce ainsi la façon dont ces sites glorifient les TCA. Et une proposition de loi, portée par la députée UMP Valérie Boyer, visant à punir la promotion de la maigreur, a été adoptée en avril 2008 – mais elle n’est jamais parvenue au Sénat.
Autre enseignement de l’étude : « La censure ne fonctionne pas, elle peut être nuisible et avoir pour effet un enfermement des communautés dans un entre-soi », estime Antonio Casilli. Pour ce dernier, les espaces en ligne aident certains malades à retrouver, du moins partiellement, la commensalité – alors que ces maladies entraînent souvent la perte des valeurs de partage et du plaisir alimentaire. Les blogs sont aussi vécus comme vecteurs d’entraide, de conseil. Leur lecture aide les malades à rompre le profond isolement qu’ils ressentent.
L’étude relève en outre que certains malades ne trouvent pas forcément en milieu clinique un suivi médical qui leur convienne et vont le chercher sur Internet. Plus de 50 % des internautes souffrant d’un trouble du comportement alimentaire sont suivis par plusieurs professionnels, mais l’offre de soins disponible est souvent jugée insuffisante. Ces sites s’inscrivent dans une mouvance de désintermédiation médicale.

Les chercheurs préconisent donc d’intégrer la sociabilité en ligne aux thérapeutiques visant les TCA, notamment par la mise en place d’une offre de soutien sur Internet émanant de professionnels de santé.

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