Ce soir-là est un soir comme les autres. La famille Munoz s'apprête à fêter Thanksgiving deux jours plus tard. Le 26 novembre, à 2 heures du matin, les parents sont réveillés par les pleurs de Mateo, leur garçon âgé d'un an. Erick se propose d'aller donner le biberon. « Non, tu dois aller travailler demain. Je vais m'en occuper », assure Marlise. Erick se rendort, avant de se réveiller quelques heures plus tard : sa femme n'est pas revenue, le bébé pleure toujours. Peut-être s'est-elle endormie dans la chambre du bébé ? Mais Marlise n'y est pas. Elle n'est pas non plus dans le séjour. Sur le sol de la cuisine, Erick découvre sa femme, âgée de 33 ans et enceinte de quatorze semaines, étendue en arrêt respiratoire et cardiaque.
Comme sa femme, Erick est auxiliaire médical. Il pratique aussitôt les premiers soins et appelle les secours. En vain. Arrivée à l'hôpital John Peter Smith de Fort Worth, au Texas, Marlise est réanimée mais déclarée en état de mort cérébrale. Les causes exactes sont encore floues, mais une embolie pulmonaire (un caillot de sang dans les poumons) est suspectée.
Après la mort brutale de son frère quatre ans plus tôt, Marlise avait clairement fait savoir qu'elle ne voudrait pas d'acharnement thérapeutique. « Nous en avions parlé, a expliqué Erick Munoz.Nous savions tous les deux que nous ne voulions pas d'assistance respiratoire. »
Mais l'hôpital refuse de « débrancher » Marlise. La raison : une loi de l'Etat du Texas datant de 1999 – signée par le gouverneur et futur président américain George W. Bush – établit que « nul ne peut arrêter ou suspendre un traitement de maintien en vie sur une patiente enceinte ». « Ce n'est pas une décision difficile pour nous, nous ne faisons que suivre la loi », a assuré J. R. Labbe, le porte-parole de l'établissement.
L'hôpital entend ainsi maintenir la jeune femme en vie jusqu'à pouvoir l'accoucher par césarienne, quand le fœtus aura de 24 à 28 semaines – soit courant février. Avant cette date, il est considéré comme « extrême prématuré » (voir encadré).
« AU REGARD DE LA LOI TEXANE, ELLE EST MORTE »
Les proches de Marlise craignent que le futur bébé garde des séquelles du malaise mortel de sa mère. « Ce pauvre fœtus a eu le même manque d'oxygène, les mêmes chocs électriques, les mêmes produits chimiques utilisés pour faire battre son cœur de nouveau, a affirmé Ernest Machado, le père de Marlise, au Dallas Morning News. De ce que nous savons, il est dans la même condition qu'elle. » La famille a ainsi publiquement déclaré qu'elle souhaitait que le fœtus meurt lui aussi paisiblement avec sa mère.
Le cas de Marlise a rapidement été médiatisé, engendrant un débat autour du flou de cette loi. Certains experts, comme le directeur du comité éthique et des soins palliatifs du Baylor Health Care System, Dr Robert Fine, cité par le Washington Post,assure que « cette patiente n'est ni en phase terminale, ni malade incurable. Au regard de la loi texane, elle est morte. » Et son cas, comme tous ceux de personnes en état de mort cérébrale, ne devrait donc pas entrer dans le champ de la loi en question, assurent également trois experts interrogés par Associated Press, dont deux ont même participé à l'écriture du texte.
Certains commentateurs de l'affaire affirment qu'une chance doit être laissée au futur bébé, assurant qu'il pourrait miraculeusement survivre ou s'accrochant au mince espoir que Marlise « pourrait se réveiller ». « C'est devenu un débat gauche-droite », explique le lieutenant Tim Whetstone, de la caserne de pompiers de Crowley, où travaillaient Erick et Marlise. Un débat qui intervient dans un Texas déjà divisé sur la question de l'avortement après le vote, début novembre, d'une loi restreignant le droit à l'interruption volontaire de grossesse. En juin, pendant les débats à l'Assemblée texane, une sénatrice démocrate avait occupé, onze heures durant, la tribune pour s'opposer à ce texte.
En parallèle, les appels se multiplient pour que la loi texane sur la respiration artificielle soit modifiée. Mais ce changement ne viendra pas d'une action en justice d'Erick Munoz, a assuré ce dernier. Le jeune père dit vivre actuellement un incessant « ascenseur émotionnel ». Il partage aujourd'hui son temps entre son travail et l'hôpital, où il emmène son fils de 14 mois voir sa mère. Il se dit prêt, à l'avenir, à attirer l'attention sur cette loi qu'il veut voir changée, pour que le calvaire de Marlise et de son enfant ne se reproduise plus.
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