Garder intacte la capacité d'écoute. Pour Claire Mestre, psychiatre et anthropologue, qui a créé à Bordeaux une consultation spécialisée dans l'accueil des migrants, cette exigence représente une des clés du travail qu'elle mène depuis vingt ans pour soulager les traumatismes de l'exil.
Sur les murs de sa salle de consultation à l'hôpital Saint-André, une large planisphère, une carte détaillée des conflits au Caucase, des photos d'Afrique.
Dans cette pièce colorée, des hommes, des femmes et de plus en plus d'adolescents isolés viennent déposer un peu du fardeau qui est le leur: de lourds traumatismes psychiques ou des dépressions graves, liés à des parcours migratoires empreints de souffrances physiques, d'errance, d'abus sexuels, d'isolement affectif, de répression politique et parfois même de torture.
En face d'eux, Claire Mestre, 51 ans. Brillante interniste, elle s'est vite sentie "à l'étroit" dans la médecine et a fait le choix de suivre "plusieurs chemins", la psychiatrie et l'anthropologie notamment, qui l'ont conduite dès 1994, "avec de tout petits moyens", à former une équipe pluridisciplinaire pour donner corps à cette consultation d'ethnopsychiatrie devenue au fil des ans une référence.
Chaque jour, entourée de son équipe de psychologues, interprètes, anthropologues, elle pénètre dans l'envers de ce que les mots génériques "immigration", "sans-papiers", "demandeurs d'asile" semblent avoir banalisé: des parcours humains chaotiques, marqués d'épisodes à la violence souvent insoutenable.
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