Par Jean-Pierre Olié, hôpital Sainte-Anne, expert près la Cour de cassation, membre de l’Académie nationale de médecine, Raphaël Gaillard, chef de pôle, hôpital Sainte-Anne, Philippe Charrier, président de l’Union national de familles et amis de personnes malades et/ou handicapés psychiques (Unafam)
Stéphane Moitoiret a été condamné à trente ans de réclusion aux asises pour un acte atroce, commis sans motif compréhensible sur un malheureux enfant de 10 ans que Moitoiret ne connaissait pas. Stéphane Moitoiret a commis l’horreur, nul ne le conteste. Les jurés du Rhône, après ceux de l’Ain qui l’avaient condamné à la perpétuité en appel, ont puni à hauteur de la gravité de son crime le monstre Moitoret. La vengeance est passée, la société est rassurée. Mais justice a-t-elle vraiment été rendue ?
Stéphane Moitoiret est-il à demi responsable ou totalement irresponsable ? Si des experts psychiatriques censés connaître les symptômes d’une maladie mentale ne sont pas capables de s’entendre sur cette question fondamentale, comment reprocher à des jurés d’avoir seulement puni l’acte odieux, sans considérer que celui qui l’a commis nécessite plutôt une prise en charge psychiatrique ? Comment accorder crédit à une expertise concluant à la responsabilité, en omettant que Moitoiret avait fait un séjour en milieu psychiatrique plusieurs années avant l’acte horrible à l’origine de sa comparution aux assises ? Comment neuf experts ont-ils pu s’entendre unanimement sur le diagnostic de trouble psychotique et en conclure, les uns, qu’il y avait altération du discernement, et les autres, abolition, et donc responsabilité partielle ou irresponsabilité, ce qui n’a pas les mêmes conséquences en termes judiciaires ? Ainsi, des médecins, se prenant pour des philosophes au lieu de faire leur métier de soignants, ont pu affirmer que, malgré sa maladie, le sujet gardait une part de libre arbitre et donc de responsabilité, et qu’il était donc justifié de le punir. Le plus sévèrement possible. Mais, attention, Moitoiret aura d’autant plus de difficultés à se soumettre à des soins que la société n’aura pas pleinement reconnu sa folie.
Le cas Moitoiret signe la faillite de l’expertise psychiatrique, incapable d’expliquer simplement à un jury d’assises que, même criminel, un malade mental grave doit être soigné. Parce que la médecine dispose d’outils thérapeutiques ; parce que, plus les soins sont précocement mis en œuvre, plus ils sont efficaces et mieux le malade peut en comprendre la nécessité ; parce que c’est la meilleure garantie de sécurité pour le malade et pour la société.
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