Pierre Barthélémy
Si quelques-unes des boîtes de chocolats que l'on vous a offertes durant les fêtes ont survécu, mettez-les de côté pour vous livrer, à la maison ou au travail, à une expérience scientifique. La recette en a été donnée dans le British Medical Journal (BMJ), revue très sérieuse qui a néanmoins coutume de se déboutonner une fois par an à l'approche de Noël. Ainsi, le 14 décembre, le BMJ a-t-il publié une étude gentiment loufoque sur la durée de vie des chocolats en milieu hospitalier.
A l'origine de ce « travail », on trouve la générosité des patients, qui offrent des chocolats au personnel soignant pour le remercier de ne les avoir pas tués (dans le cas des familles et des héritiers, les motivations sont plus ambiguës). Or, explique l'étude, ces cadeaux sont sources de conflits, les différentes catégories de personnel (aides-soignants, infirmiers, médecins?) s'accusant souvent mutuellement de s'empiffrer au détriment des autres.
Comme la littérature scientifique ne disait rien sur le sujet, nos chercheurs ont décidé de combler cette lacune avec une rigueur et un humour tout britanniques.
Un protocole strict a été mis en place dans quatre services répartis sur trois hôpitaux différents. Pour chaque lieu d'expérimentation les chercheurs ont acheté, sur leurs fonds personnels, deux boîtes de 350 grammes de marques différentes. Le jour J, lorsque Big Ben sonnait 10 heures, un médecin les déposait subrepticement sur le comptoir d'accueil. Puis il se postait non loin de là, crayon et formulaire en main, pour noter à quelle heure les boîtes étaient ouvertes, quand les friandises étaient prélevées et par quelle catégorie de personnel.
La surveillance durait entre deux et quatre heures, ce qui n'était pas sans impliquer quelques problèmes, notamment d'obliger l'expérimentateur à mentir lorsque quelqu'un lui demandait ce qu'il pouvait bien fabriquer caché derrière les plantes vertes de la salle d'attente. Les auteurs présentent d'ailleurs leurs excuses pour les bobards qu'ils ont dû raconter : personne ne devait savoir que le service était transformé en laboratoire. Pour la même raison, il n'a été demandé de consentement éclairé à aucun des cobayes, alors qu'ils risquaient clairement la prise de poids.
En partant, l'observateur comptait combien il restait de chocolats dans les boîtes, le reliquat étant abandonné à son triste sort et perdu pour la science. L'analyse statistique montre qu'il ne faut qu'une douzaine de minutes pour que la boîte soit ouverte. Les premières friandises partent alors très vite mais, au fur et à mesure que le temps passe, la consommation ralentit.
Peut-être l'indigestion menace-t-elle ou peut-être les variétés préférées ont-elles toutes déjà été englouties ? Il faudra une autre étude pour le déterminer. La durée de survie moyenne d'un chocolat s'élève à cinquante et une minutes, ses plus grands ennemis étant, à égalité, les aides-soignants et les infirmiers, devant les médecins.
Dans leur conclusion, les auteurs soulignent que l'ingestion régulière de chocolat réduit les risques cardio-métaboliques. Or, leur expérience ayant montré que les boîtes se vidaient trop vite pour que tout le personnel hospitalier en tire un bénéfice sanitaire, ils émettent deux suggestions : inciter les patients et leurs familles à plus de générosité et, surtout, organiser un lobby auprès de la corporation chocolatière afin de lutter contre la réduction de la taille des boîtes.
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