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jeudi 23 janvier 2014

IVG : les Espagnols demandent «l’asile sanitaire» à la France

FRANÇOIS MUSSEAU CORRESPONDANT À MADRID

D’ici peu, l’avortement cessera d’être un droit en Espagne : c’est le principal objectif d’un avant-projet de loi présenté fin 2013 par le très conservateur ministre de la justice, Alberto Ruiz-Gallardon. Etant donné que le parti au pouvoir, le Parti populaire, dispose de la majorité absolue au Parlement, l’affaire semble pliée. D’où, au milieu de la fureur d’une bonne partie du pays face à la prochaine suppression de l’IVG, l’initiative d’un collectif qui agrège 260 organisations opposées à la réforme : demander l'«asile sanitaire» à la France où ce droit est reconnu depuis la loi Veil de 1975.
Il s’agit bien sûr d’un acte symbolique. Jeudi après-midi, à partir de 16h30, cette plateforme baptisée «Decidir nos hace libre» (Décider nous rend libre) remet une demande d’asile à l’ambassade de France à Madrid, située à deux pas de la porte d’Alcala et du parc du Retiro. Universitaires, infirmières, médecins, gynécologues, et même des associations catholiques, revendiqueront ce slogan :«Aujourd’hui, l’avortement est légal, et c’est ton droit ; mais demain tu peux le perdre.» Vanessa Garcia, 32 ans, qui travaille dans une clinique abortive dans le nord de la capitale, s’étrangle : «C’est une atteinte directe à la femme et à ses droits. C’est un bond en arrière de trente ans et cela nous ramène à une Espagne obscurantiste.»

«DES DROITS POUR LES EMBRYONS SANS DÉFENSE»

Cette loi radicale, qui sera probablement approuvée par le Congrès des députés en juin, a provoqué un raz-de-marée de mécontentement depuis l’annonce de ses contours. Toutes les formations d’opposition, la plupart des médias, l’essentiel du monde associatif et sanitaire, le gros de l’opinion (62% des Espagnols y sont opposés, d’après l’institut de sondage Sigma Dos) rejettent farouchement ce texte qui prohibe l’interruption volontaire de grossesse. Même au sein du Parti populaire, de nombreuses voix – députés, maires, élus municipaux — se sont élevées pour demander au ministre d’édulcorer sa réforme.
Mercredi, Ruiz-Gallardon a laissé entrevoir «quelques petites retouches»,mais a assuré qu’il ne changerait pas «l’esprit de la loi». A ses yeux, la réforme donne enfin une voix aux plus faibles, c’est-à-dire aux «non-nés» : «De la même façon qu’elle a combattu l’esclavagisme, la gauche devrait appuyer un texte qui donne des droits à ces embryons sans défense.»

CONSULTATIONS ET «PÉRIODE DE RÉFLEXION»

La loi en vigueur, promulguée par le socialiste Zapatero en 2010, légalise l’IVG jusqu’à la douzième semaine de gestation. Avec la réforme, ce droit disparaît. Seuls le viol ou «un dommage psychologique fait à la femme»peuvent justifier un avortement. Recourir à une opération sera un parcours du combattant : dans un premier temps, la candidate devra observer «une période de réflexion», après s’être rendue à une consultation obligatoire avec les services sociaux qui l’informeront des solutions alternatives ; ensuite, il lui faudra l’approbation de deux médecins extérieurs à la clinique où elle souhaite avorter.
Les experts estiment que ces délais peuvent prendre une moyenne de trois semaines, ce qui, d’après l’Acai (l’Association des cliniques autorisées pour l'interruption de grossesse), supposera «des risques supplémentaires pour la femme». Surtout, affirme le collectif Decidir Nos hace libre, cette loi très restrictive obligera à voyager à l’étranger – pour un coût oscillant entre 6000 à 7000 euros — ou, pour les plus modestes, comme c’était le cas dans les années 80, à se rendre dans une clinique clandestine.
En 2012, 112 390 avortements ont été pratiqués en Espagne, une baisse de 5% par rapport à l’année antérieure. Pour Rodrigo Tena, notaire et membre du parti centriste UpyD, «c’est avant tout une réforme idéologique. Les gouvernants savent que cela ne va pas diminuer le nombre d’opérations. Ce qui compte pour eux, c’est que l’avortement cesse d’être un droit.»

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