« Libérer la parole et rompre l’omerta. » Car la maltraitance des enfants handicapés est une réalité dans certains des établissements qui les accueillent, a reconnu mercredi 22 janvier Marie-Arlette Carlotti, la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, qui se sait pourtant « première garante »de leur protection. Effectuant un déplacement dans l'institut médico-éducatif (IME) Cour de Venise qu’elle juge modèle, à Paris (3e arrondissement), elle a donc présenté un plan de renforcement des contrôles effectués sur ces établissements dont« la quasi-totalité » est de qualité. La quasi-totalité seulement.
Ce branle-bas de combat ministériel est né d’un électrochoc télévisuel. Dimanche 19 janvier, sur M6, l’émission « Zone interdite » diffusait un long et éprouvant reportage, fruit d’une année d’enquête, qui mettait en lumière des mauvais traitements infligés aux enfants handicapés au sein de certains établissements belges (ce que Le Monde avait décrit le 4 janvier) tout autant que français. Des images filmées en caméra cachée à la maison d’enfants de Moussaron, à Condom (Gers), montraient ainsi des enfants attachés à leur lit, dormant dans un réduit, lavés en groupe, sous camisole chimique de neuroleptiques…
Ce documentaire a bien évidemment provoqué l’émotion chez les familles d’enfants handicapés mentaux. A l’instar des quelque soixante-dix par l’association Parents en colère 77 (Seine-et-Marne) : « Les impôts liés au handicap ne sont pas contrôlés, ils servent à maltraiter nos enfants et entretenir un réseau mafieux », communiquaient-elles le soir-même.
« AGIR AVEC FERMETÉ »
« Personne ne peut être insensible aux images d’enfants handicapés violentés par ceux là mêmes qui sont censés leur apporter attention, soin et réconfort », a réagi la ministre trois jours après l’émission, admettant que « certains établissements accusent des dysfonctionnements graves, passent à travers les mailles du filet des contrôles ».
« Face à l’intolérable », elle s’est donc décidée à « agir avec fermeté ». Comme elle l’a déjà fait par le passé, plaçant fin novembre 2013 sous administration provisoire l’IME Moussaron dont les pratiques sont épinglées dans le reportage, immédiatement après que l’Agence régionale de santé (ARS) a tiré le signal d’alarme. Mais depuis 1997, cet IME gersois avait déjà fait l’objet de trois signalements des autorités sanitaires…
La ministre a donc annoncé son intention d’accentuer toutes les procédures de contrôle. Elle a rappelé que les établissements créés avant 2002 devaient, d’ici 2015, se faire évaluer par un organisme indépendant. Seuls 30% d’entre eux s’y sont déjà pliés. Aucun renouvellement d’autorisation, a-t-elle menacé, ne sera délivré aux institutions qui n’auront ainsi justifié de leur bon fonctionnement.
ACCORD-CADRE SIGNÉ AVEC LA BELGIQUE
Mme Carlotti demande aux ARS de réaliser des contrôles inopinés, et de créer en leur sein des « structures d’appui à la qualité des établissements ». Les deux numéros permettant de signaler des faits de maltraitance (le 39 77 pour les personnes handicapées adultes, le 119 pour les enfants) devront être affichés dans les établissements et indiqués dans les livrets d’accueil et les contrats de séjour.
Les établissements devront systématiquement informer les cas de maltraitances aux ARS et aux conseils généraux. La formation des travailleurs sociaux aux spécificités du handicap devra être confortée. Les institutions wallons feront l’objet d’inspections communes franco-belges grâce à un accord-cadre récemment signé.
Une mobilisation attendue par la principale fédération d’associations de défense des personnes handicapées mentales et de leurs familles, l’Unapei. Sa présidente, Christel Prado, sait que les violences institutionnelles existent « d’autant plus qu’il n’y a pas suffisamment de places, et que les parents préfèrent se taire ». Elle apprécie donc que « la ministre prenne ses responsabilités, se porte garante de la bientraitance dans les établissements ».
Selon elle, les évaluations externes des établissements manquent néanmoins souvent de sérieux, et il y a grande naïveté à promettre aux familles, aux personnels, que la dénonciation d’éventuels dysfonctionnements puissent ne pas leur porter préjudice.
Il s’agirait aussi de proposer un site Internet d’usagers, où tout un chacun pourrait faire ses remarques sur les établissements, en toute transparence. Mais ce plan, conclut-elle, va dans le bons sens, celui de l’évaluation. « Nous-mêmes sommes gestionnaires de 3 000 établissements. Nous veillons à la qualité, mais elle n’est jamais quelque chose d’acquis. Il suffit d’un congé maternité non-remplacé pour qu’un équilibre se brise. Il faut être en veille permanente ».
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