Mélange impossible : un cancer et une grossesse. Rachel Ferrere, jeune psychologue, vient de terminer un travail inédit sur ce thème qu’elle publie dans la revue Psycho-Oncologie (1). Comment supporter ? Peut-on imaginer sujet plus lourd, plus douloureux ? Et pourtant, quand on discute avec la chercheuse, on est frappé par ses propos et la vitalité des patientes qu’elle évoque : «Nous avons été admiratifs, ces femmes arrivent à mettre en place des stratégies d’ajustements, elles arrivent à trouver un point d’équilibre entre elle et leur bébé ou futur bébé, même si ce n’est pas toujours parfait.» Et Rachel Ferrere ajoute : «Il y a deux processus en jeu, tous les deux terriblement mangeurs d’énergie : se soigner et s’occuper de l’enfant. Elles ne peuvent pas les mener toujours ensemble, au même moment, mais cela s’équilibre.»
Etre enceinte et découvrir que l’on a un cancer, c’est évidemment une situation rare. «On estime qu’une femme sur 1 000 a appris durant sa grossesse qu’elle était atteinte d’une maladie cancéreuse, précise ainsi la chercheuse.Et, chaque année en France, 350 à 750 présentent un cancer du sein pendant leur grossesse.»
C’est peu, mais ce n’est pas rien. Le diagnostic est souvent difficile, retardé du fait de la crainte d’effectuer des examens qui pourraient porter atteinte à la santé du fœtus. Avec toujours le dilemme : comment le protéger ? Faut-il maintenir la grossesse si elle est débutante ? Lors du premier trimestre, une interruption thérapeutique de grossesse est systématiquement proposée. Après, tout est possible.
Une histoire, parmi d’autres, que détaille cette étude : Murielle a 33 ans, elle est en couple depuis treize ans. Elle attend son premier enfant lorsque les médecins diagnostiquent un cancer du sein au début du neuvième mois de grossesse. Que faire ? Les médecins lui proposent d’accoucher au plus vite, pour démarrer une chimio. C’est ce qui va se passer. «La mère est ambivalente, entre la nécessité de se rendre disponible pour s’adapter à son bébé, et la nécessité de revenir à soi pour gérer l’épreuve de la maladie», note la chercheuse, avant d’ajouter :«Plus elle se sent en difficulté dans son rôle de mère, plus le cancer devient, pour elle, un objet menaçant. C’est, au finale, un équilibre qu’elle doit trouver.» Rachel Ferrere ajoute alors : «Ce sont des situations difficiles, et souvent très lourdes pour les soignants qui ont du mal à avoir la bonne distance.»
(1) Trimestriel, septembre 2013 «Lorsque maternité et cancer se rencontrent : influence réciproque de deux processus protagonistes», par Rachel Ferrere et Jaqueline Wendland, de Paris-Descartes.
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