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jeudi 22 décembre 2011


Les infirmières scolaires ne veulent pas d'un "A bricolé"

Si les infir­mières sco­laires ont obtenu leur inté­gra­tion en caté­go­rie A, elles refusent les grilles indi­ciaires, qui les situent en deçà de leurs col­lègues hos­pi­ta­lières. Indignation, décou­ra­ge­ment… Alors que leurs mis­sions les placent au cœur du dis­po­si­tif de réus­site sco­laire, les infir­mières en colère espèrent une issue heu­reuse aux négo­cia­tions avant la fin de l'année.

« Quand les élèves viennent me voir, les pro­blèmes sont tel­le­ment durs, que chez moi, ça passe par les tripes. Quand je devine quelque chose que je veux faire sor­tir d'eux, c'est un corps à corps qui peut prendre du temps » (1) : mettre en mots les maux des élèves est une des nom­breuses mis­sions que relèvent au quo­ti­dien les 7.500 infir­mières sco­laires, dont le sta­tut fait actuel­le­ment l'objet d'âpres négo­cia­tions. « La trans­po­si­tion de notre sta­tut en caté­go­rie A a été une pro­messe du pré­sident de la République, un sym­bole fort. Si nous venons de l'obtenir, le scé­na­rio nous impose une grille de rému­né­ra­tion indi­ciaire en deçà de celle appli­quée à nos col­lègues hos­pi­ta­lières ! C'est insup­por­table, c'est un déni de nos qua­li­fi­ca­tions et de notre pro­fes­sion­na­lisme. Les infir­mières ont toutes le même diplôme », s'insurge Béatrice Gaultier, secré­taire géné­rale du SNICS-FSU (2). Se sen­tant « déva­lo­ri­sées», « mépri­sées »... les infir­mières sco­laires expriment leur ras-le-bol d'une voix commune.

Des res­pon­sa­bi­li­tés grandissantes

« Dans nos infir­me­ries, on ne tri­cote pas ! ». Patricia François est infir­mière sco­laire à Caen dans un col­lège classé en ZEP depuis 1988. « Le minis­tère ne pourra faire l'économie de se pen­cher sur nos mis­sions qui ont tant évolué ». Face à une conjonc­ture tou­jours plus dif­fi­cile, les infir­mières voient gran­dir la souf­france des élèves : « le soin n'est plus la prio­rité car lorsqu'il n'y a plus rien dans l'assiette on ne va pas chez le den­tiste », souligne-t-elle. « Je ne pen­sais pas qu'il puisse exis­ter autant de mal-être, de dif­fi­cul­tés per­son­nelles au sein de cette géné­ra­tion » abonde Jean Lamoine, un des rares hommes de sa pro­fes­sion, qui exerce dans un inter­nat. Ecoute indi­vi­duelle, actions col­lec­tives, les infir­mières sco­laires ont un rôle spé­ci­fique : « il faut faire sa place dans l'équipe péda­go­gique et convaincre les ensei­gnants car nous por­tons un regard dif­fé­rent sur les élèves », témoigne Catherine Sanz, infir­mière au col­lège Gérard Philippe à Fontaines. L'infirmier sco­laire doit faire preuve d'une grande auto­no­mie et assu­mer des res­pon­sa­bi­li­tés de plus en plus impor­tantes. « Avec pour seule hié­rar­chie le chef d'établissement, nous enga­geons tota­le­ment notre res­pon­sa­bi­lité indi­vi­duelle, tant au plan civil que pénal, pour prendre les ini­tia­tives : poser un diag­nos­tic infir­mier, mettre en œuvre les actions adap­tées », témoigne Jean Lamoine, qui rap­pelle com­bien la santé est « un fac­teur déter­mi­nant dans la réus­site sco­laire ».
Outre la mise en place des séances obli­ga­toires d'éducation sexuelle et la déli­vrance d'ordonnances pour la pilule du len­de­main, les infir­mières sco­laires peuvent désor­mais renou­ve­ler la pilule contra­cep­tive. «Si ces actions per­mettent d'éviter des IVG dra­ma­tiques, il reste un tra­vail de pré­ven­tion impor­tant à pour­suivre : en effet, les élèves ont accès à plus d'informations, mais dans les familles, on parle de moins en moins », sou­ligne Patricia François. « La rela­tion est pri­vi­lé­giée car l'infirmier ne note pas, ne juge pas et les élèves savent que c'est un lieu de confi­dence où le secret est pré­servé. Nous sommes le 1ermaillon, 1er inter­lo­cu­teur des élèves, c'est pour­quoi ne pas être consi­déré par notre minis­tère est inac­cep­table » clame Jean Lamoine. « Nous ne vou­lons pas d'un A bri­colé », ajoute Catherine Sanz.

Le minis­tère attendu au tournant

Si la reva­lo­ri­sa­tion a été effec­tive depuis sep­tembre 2010 au sein de la Fonction publique hos­pi­ta­lière (FPH) ce n'est que suite à leur mani­fes­ta­tion (3) que les infir­mières sco­laires ont obtenu le 15 novembre leur inté­gra­tion à la Fonction publique d'Etat en caté­go­rie A, et les négo­cia­tions se pour­suivent. « La reva­lo­ri­sa­tion est pré­vue sur 10 ans au lieu des 5 pour la FPH, et la grille indi­ciaire induit des écarts impor­tants dans les évolu­tions, qui créent des car­rières à 2 vitesses », explique Brigitte Accart, secré­taire géné­rale du SNIES-UNSA (4). La caté­go­rie A pro­po­sée par le minis­tère pour le moment com­porte en effet 2 grades, mais le 2e grade serait réservé aux diplô­mées sor­tant d'IFSI et à leurs col­lègues hos­pi­ta­lières en déta­che­ment. Quant au 1er grade, il com­por­te­rait certes deux classes (nor­male et supé­rieure), mais seules 30% des infir­mières sco­laires seraient éligibles à la classe supé­rieure. « Celles-là même qui se sont bat­tues au sein de l'Education Nationale pour la recon­nais­sance de leur rôle dans la réus­site sco­laire se trouvent clas­sées en des­sous des débu­tantes sor­tant de l'IPSI », ajoute Béatrice Gaultier.
Les négo­cia­tions avec le minis­tère de l'Education Nationale doivent reprendre la semaine pro­chaine, mais les syn­di­cats attendent encore la date de convo­ca­tion. Le SNICS-FSU appelle à mani­fes­ter le 10 jan­vier pro­chain et le SNIES UNSA, qui ne « croit plus dans les mani­fes­ta­tions », pro­pose aux infir­mières de n'assurer que les urgences les mer­cre­dis : « On rou­vrira les portes de l'infirmerie si l'on obtient gain de cause », espère Brigitte Accart.
Elise Pierre

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