Publié le 19/07/2023
Les termes « transgenre » ou de « genre différent » sont employés à propos d’individus dont l’identité de genre et l’expression de celui-ci diffèrent de celles attribuées à la naissance, typiquement soit masculin, soit féminin. Leur nombre de personnes concernées est variable, entre 0,6 et 3 % de la population mondiale. Il s’est accru ces dernières années, principalement parmi les adolescents et les adultes jeunes.
Les personnes transgenres ont à affronter de multiples barrières concernant leur prise en charge médicale. Une revue, publiée en 2019, a rapporté que 27 % (19-40 %) d’entre eux avaient fait l’objet d’un refus de soins par un professionnel de santé. A l’inverse, 85 % des praticiens de soins primaires ne seraient pas hostiles à les traiter mais 57 % avouent ne pas être familiers avec la pratique médicale à mettre en place d’autant plus que des troubles de santé mentale sont souvent associés. De fait, les différents traitements médicaux et chirurgicaux en vue d’affirmer le genre (GAMST) s’accompagnent souvent d’une détresse psychologique et d’une majoration du risque suicidaire, surtout en cas d’incongruence marquée avec le sexe assigné à la naissance (notion de dysphorie liée au genre).
Différentes recommandations ont été émises par la SOC 8 (Standard of Care, 8ème version) de la World Professional Association for Transgender Health (WPATH) concernant les soins primaires, les traitements médicaux et chirurgicaux, la santé sexuelle et reproductive, la santé mentale, l’épilation, le recours à des prothèse ou à des produits hormonaux…, recommandations issues de l’analyse de plus de 1400 publications.
Avantages des GAMST
Une revue systématique de 2021 avait indiqué qu’un traitement hormonal en vue d’affirmer le genre était associé à une amélioration de la qualité de vie, avec une diminution parallèle des scores dépressifs et anxieux. Une étude récente chez des adolescents (âge moyen 15,8 ans), a montré que le recours à des bloqueurs de puberté et à des traitements d’affirmation du genre était associé à une diminution de 60 % des troubles dépressifs (Odds Ratio ajusté : 0,40 ; CI : 0,17- 0,95) et de 73 % de la suicidalité (aOR : 0,27 ; CI : 0,11- 0 ,65) par rapport à des jeunes qui n’avaient pas commencé le traitement. Une revue systématique sur les traitements chirurgicaux pour dysphorie liée au genre, a conclu à une amélioration du bien-être psychologique et de la qualité de vie. A contrario, les efforts en vue de contrecarrer l’identité choisie (traitements dénommés « réparateurs » ou « de conversion ») sont souvent associés à une augmentation du taux de tentatives de suicide (aOR : 2,27 ; CI : 1,60-3,24 ; p< 0,001). Une étude récente ayant porté sur 317 jeunes transgenres, a rapporté que 94 % de ceux qui avaient effectué leur transition à un âge pré pubertaire (en moyenne à 8,1 ans) avaient gardé la même identité de genre après un suivi de 5 ans.
Inconvénients des GAMST
Toutefois, il est impératif dans chaque situation de bien évaluer avec les adolescents concernés et leurs proches, les bénéfices attendus mais aussi les effets délétères potentiels. L’abaissement de la voix est généralement irréversible. L’hormonothérapie quelle qu’elle soit est associé à un risque cardiovasculaire accru avec survenue possible d’accidents vasculaires cérébraux, d’infarctus myocardiques ou de thromboembolies veineuses. Une étude néerlandaise a rapporté que la mortalité des femmes transgenres comparée à celle de la population générale, étaient plus élevée pour les maladies cardiovasculaires (taux de mortalité standardisé [SMR] dans cette population = 1,4 [CI : 1,0-1,8]), le cancer du poumon (SMR = 2 [CI : 1,4-2,8]), les sepsis (SMR = 5,4 [CI : 2,9-8,7]) et les morts non naturelles (SMR = 2,7 [CI : 1,8-3,7]). Chez les hommes transgenres, le taux de mortalité globale reste voisin de celui de la population générale (SMR = 1,2 [CI : 0,9-1,6]).
Le risque de survenue d’un cancer hormonodépendant après traitement hormonal n’est pas pleinement établi. Les directives recommandent de suivre les directives locales de dépistage du cancer du sein élaborées pour les femmes cisgenres chez les personnes transgenres et de genres divers qui ont reçu des œstrogènes et chez celles qui ont des seins. Les personnes ayant un col de l'utérus doivent bénéficier du dépistage élaboré pour les femmes cisgenres.
En cas de recours à la chirurgie, les risques incluent la survenue de fistules recto vaginales, lésions urétrales, nécroses tissulaires…
Comme pour l’hormonothérapie, les chirurgies génitales ont un impact sur le potentiel reproductif.
Au total, les recommandations ciblant les personnes transgenres sont multiples, concernant également les droits humains ou encore la sensibilisation culturelle. Les soins primaires se doivent d’être appropriés, dénués de tout jugement et délivrés par des professionnels de santé avisés. L’évaluation en vue d’un éventuel changement de genre doit être proposée quand il existe une différence notable entre sexe assigné à la naissance et genre apparent. Les enfants et adolescents transgenre doivent bénéficier d’une approche multidisciplinaire. Avant un GAMST, une psychothérapie n’est pas indispensable mais peut être utile. De même, avant toute chirurgicale, le rapport bénéfices/risques doit être soigneusement établi. Un délai d’au moins 6 mois est en règle requis mais non obligatoire avant un geste chirurgical d’affirmation du genre. Il importe également de lutter contre une éventuelle stigmatisation ou discrimination. Dans l’avenir, des études longitudinales de longue durée devront préciser les effets à long terme des différentes options thérapeutiques, notamment chez les individus transgenres les plus jeunes.
Dr Pierre Margent
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