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jeudi 3 août 2023

Dépister les troubles anxieux, quelle angoisse !

Publié le 27/07/2023

Les troubles anxieux sont fréquents en pathologie mentale. Ils comprennent les troubles anxieux généralisés, ceux liés à l’anxiété, les attaques de panique, l’anxiété de séparation, les phobies, le mutisme sélectif et toute forme d’anxiété non spécifique. Ces diverses manifestations sont souvent mal prises en charge en soins primaires, avec un long délai avant d’être traitées. Elles peuvent passer à la chronicité, alterner phases de rémission et de récurrence, voire aussi guérir totalement.

« Chevauchement » avec les troubles dépressifs

Selon des données US, déjà anciennes, des troubles anxieux affecteraient 26,4 % des hommes et 40,4 % des femmes. Leur prévalence est élevée durant la grossesse, se situant entre 8,5 et 10,5 % ainsi que pendant le post partum, de l’ordre de 4,4 à 10,8 %. Ils débutent typiquement lors de l’enfance ou à l’âge adulte jeune pour tendre ensuite à décliner avec les années. Ils se caractérisent par une peur disproportionnée face aux événements du quotidien, associée à des plaintes comportementales et/ou somatiques telles que fatigue, agitation, difficulté à la concentration, irritabilité et troubles du sommeil. Leurs facteurs de risque sont multiples : socio-démographiques, psycho-sociaux, perturbation de la santé physique et mentale, contexte de veuvage ou de divorce, tabagisme et alcoolisme, histoire parentale difficile…Peuvent aussi intervenir un bas niveau socio- économique, une origine ethnique particulière ou le sexe féminin, plus alors par impact de facteurs sociaux que de facteurs biologiques. Il existe un chevauchement fréquent avec la pathologie dépressive ; en effet, 67 % des sujets dépressifs souffrent de troubles anxieux et 75 % d’entre eux auront, au cours de leur vie, au moins un épisode dépressif.

Il existe plusieurs tests de dépistage de l’anxiété en soins primaires dont l’échelle Generalized Anxiety Disorder (GAD), celle dénommée Edinburg Postnatal Depression (EPDS) ou encore l’échelle d’Anxiété Gériatrique (GAS). Toutes sont utiles mais insuffisantes pour poser un diagnostic de troubles anxieux qui nécessite alors confirmation. Leur traitement fait appel à des méthodes de psychothérapie et à la pharmacothérapie. Il inclut également des méthodes de relaxation et de désensibilisation.

Sur et sous reconnaissance

Les dangers potentiels du dépistage incluent le risque de faux positifs, avec possibilité de sur diagnostic, de sur traitement et de stigmatisation. Au plan thérapeutique, les prises en charge psychothérapiques sont, dans l’ensemble, à moindre risque que les interventions pharmacologiques. En pratique courante, une sous détection des désordres anxieux est fréquente d’autant que ceux-ci peuvent prendre l’aspect, selon une étude récente, de problèmes somatiques dans 47,8 % des cas, de douleurs dans 34,7 % des cas ou de troubles du sommeil dans 32,5 % autres.

L’USPSTS a entrepris une revue systématique de la littérature afin d’évaluer le rapport bénéfices/ risques du dépistage des troubles anxieux parmi des adultes asymptomatiques de 19 ans et plus, y compris chez les femmes enceintes et en post partum. Elle a ciblé, également, la population âgée de 65 ans et plus. Dix études (n = 6 463 participants) ont permis d’évaluer la performance du dépistage, dont 2 ayant concerné plus particulièrement les sujets âgés et 3 les femmes enceintes. Les tests les plus communément employés étaient les GAD -2 et GAD-7 qui ont fait la preuve d’une sensibilité et d’une spécificité satisfaisantes. De fait, la sensibilité globale du GAD-2 s’est établie à 0,94 (intervalle de confiance à 95 % [IC]: 0,90- 0,98 ; I2= 0 %) et sa spécificité à 0,68 (IC : 0,64- 0,72 ; I2= 94,5 %). Dans un travail récent ayant concerné les femmes enceintes (n = 9 750), la sensibilité du GAD-2 a été de 1,0 (IC : 0,99- 1,0) et sa spécificité de 0,60 (CI : 0,60- 0,61). Les données ont été plus éparses concernant les sujets âgés avec toutefois, pour une valeur seuil de 9, une bonne balance sensibilité et spécificité.

Efficacité relative de la psychothérapie et des ISRS

De nombreuses études et revues systématiques ont tenté d’évaluer le bénéfice thérapeutique d’interventions psychologiques dans les troubles anxieux. Il en est ressorti qu’elles procurent une modeste, mais statistiquement significative, réduction des symptômes, non retrouvée toutefois en cas de double pathologie anxieuse et dépressive. Les données concernant l’anxiété chez les personnes âgées étaient plus limitées.

Concernant la pharmacothérapie, 2 seuls essais cliniques randomisés ont concerné la venlafaxine et l’escitalopram, vs placebo. Un bénéfice a été constaté, avec, en cas de recours aux inhibiteurs de capture de la sérotonine, une différence moyenne standardisée (SMD) de – 0,66 (IC : - 0 ,90 à – 0,43). Trois essais cliniques (n = 668), 8 revues systématiques (n = 29 674) et 2 études cas-contrôle (n= 2 623 780) ont porté sur les effets indésirables des traitements pharmacologiques, le plus souvent dans des populations adultes. Des effets secondaires majeurs ont été, heureusement, rarement notés. Toutefois, à ce propos, l’USPSTF a émis une alerte concernant un risque d’addiction en cas de mauvais usage des benzodiazépines.

En définitive, l’USPSTF conclut, avec un niveau modéré de certitude, que le dépistage des troubles anxieux dans une population adulte, y compris chez les femmes enceintes et en post partum, apporte un bénéfice clinique modéré (recommandation de type B). Le niveau de preuves est insuffisant concernant l’intérêt du dépistage chez les sujets âgés de plus de 65 ans, d’autant que, dans cette population, le rapport bénéfices /risques est plus imprécis et, avec nécessité de travaux complémentaires (communication de niveau 1).

Dr Pierre Margent

RÉFÉRENCE
Barry MJ et coll. : Screening for Anxiety Disorders in Adults. US Preventive Services Task Force Recommandations Statement. JAMA ; 2023, 329 (24). 2163- 2170. doi: 10.1001/jama.2023.9301.

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