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samedi 21 janvier 2023

Réforme des retraites : « Le vrai débat n’est pas l’âge de départ, mais la durée de vie après la carrière »

Publié le 17 janvier 2023

TRIBUNE

Sébastien Crozier   Président de CFE-CGC Orange

Président du syndicat CFE-CGC au sein du groupe Orange, Sébastien Crozier déplore, dans une tribune au « Monde », que la réforme des retraites envisagée par le gouvernement soit la première à entraîner un recul de l’espérance de vie à la retraite.

 La réforme des retraites néglige les inégalités d’espérance de vie et elle serait, dans l’histoire récente, la première régression de la durée passée à la retraite. Elle n’est pas à la hauteur du défi de la nouvelle économie : prendre conscience qu’elle s’appuie sur des gigafactorys (usines de très grande taille) et des travaux pénibles.

La croyance d’une partie des élites en une France de services, où l’ouvrier aurait disparu, a coûté deux millions d’emplois industriels en trente ans. C’est elle qui continue de nourrir les réformes à répétition de l’âge de départ à la retraite.

Le confinement avait levé le voile sur les professions essentielles, montrant que, loin d’une dématérialisation généralisée, l’économie repose sur un travail souvent pénible. Au moment de débattre sur les retraites, n’oublions pas le secteur du bâtiment, qui tourne à plein régime pour les Jeux olympiques de 2024, ni l’aéronautique, la chimie et les cosmétiques, tout comme le secteur agricole, qui sont nos fleurons à l’exportation.

Postures pénibles, vibrations mécaniques

Rappelons que le numérique aussi est une industrie qui ne repose pas seulement sur ses ingénieurs et développeurs mais également sur le million de tonnes de cuivre posé par France Télécom-Orange, sur des kilomètres de fibre optique, déroulés pour partie dans les égouts au milieu des surmulots. Beaucoup de ceux qui vont décider de l’âge de la retraite travaillent dans un bureau et s’illusionnent sur la réalité du travail, allant jusqu’à dire que les déménageurs sont équipés d’exosquelettes.

Le compte pénibilité de 2014, qui permettait de déclarer une dizaine de facteurs de risque, travail de nuit, bruit et températures extrêmes, s’est vu amputé, en 2017, de quatre facteurs permettant de valider des trimestres pour partir plus tôt. Que l’on ait ou non pratiqué la manutention de charges, subi des postures pénibles, des vibrations mécaniques et des agents chimiques dangereux, cela ne change désormais plus rien à l’âge de départ… Ce que le gouvernement tente de faire oublier, cinq ans après, avec un fonds pour financer des « plans de prévention » : même intention louable sur le papier que le « traitement social » du chômage avec ce « traitement global » de la pénibilité, même inefficacité à résoudre les problèmes ? Le président de la République avait déclaré ne pas « adorer » le mot « pénibilité », car il « donne le sentiment que le travail serait pénible ». Nier le mot n’a jamais fait disparaître la réalité qu’il désigne.

Le moins mauvais indicateur de pénibilité est l’espérance de vie. Selon l’Insee, un ouvrier a une espérance de vie inférieure en moyenne de 6,4 ans à celle d’un cadre supérieur. Et de 4,1 ans de moins pour un employé. La retraite anticipée pour carrière longue permet à certains de partir deux ans plus tôt, à condition d’avoir cotisé cinq trimestres avant ses 16 ans ou ses 20 ans et de réunir un nombre minimum de trimestres. En 2017, 187 000 personnes sont ainsi parties en retraite anticipée, sur environ 650 000 départs annuels. Sur les quatre ans et six ans d’espérance de vie qu’elles ont de moins que les cadres supérieurs, deux ans ont été compensés. Et, les ouvriers et employés représentant 45 % des actifs, chaque année plus de 100 000 employés et ouvriers partent à la retraite à 62 ans, malgré leur espérance de vie réduite.

Changeons de regard statistique

Pour être équitable, une véritable prise en compte de la pénibilité est nécessaire. En 2017, la Caisse nationale d’assurance-vieillesse prévoyait qu’en 2024 un peu moins de 20 000 personnes anticiperaient leur départ à la retraite de deux trimestres grâce au compte pénibilité. Même avant rabotage, la prise en compte de la pénibilité était très en deçà de la réalité des inégalités sociales d’espérance de vie.


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