Le Monde avec AFP Publié le 15 janvier 2023
L’exécutif a lancé en septembre trois missions administratives pour élaborer des pistes pour mieux repérer, quantifier et prévenir les maltraitances contre les personnes âgées.
La Défenseure des droits tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur la situation des personnes âgées en Ehpad. « Nous constatons toujours des atteintes aux droits des résidents en Ephad (…). La réponse des pouvoirs publics n’est pas à la hauteur des atteintes dénoncées, ni de l’urgence », regrette dans un entretien au Journal du dimanche Claire Hédon, qui présente lundi un rapport de suivi de soixante-quatre recommandations émises en mai 2021, pendant la crise du Covid-19.
Le document de mai 2021 et le livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs, dont une version actualisée est attendue pour la fin de janvier, « ont permis une prise de conscience, pas simplement des pouvoirs publics, mais de l’ensemble de la société », souligne Claire Hédon. Néanmoins, beaucoup reste à faire.
Elle cite « une hausse des signalements » auprès de la Défenseure des droits, qui avait instruit quelque neuf cents réclamations durant les six ans précédant le rapport de 2021, et cent quatre-vingt-une en seulement dix-huit mois.
Il s’agit de « maltraitance » (43 % des cas), de « limitation de visites » (30 %), de « restrictions à la liberté d’aller et venir » (12 %). Ces manquements concernent aussi bien le privé que le public. Or « dix-huit mois après le premier rapport, le bilan s’avère extrêmement préoccupant : 9 % de nos préconisations se sont traduites par une action, 55 % ont fait l’objet d’annonces mais peinent à se matérialiser, et 36 % restent sans réponse », déplore Claire Hédon.
Sa recommandation principale est de fixer « un ratio minimal d’encadrement », comprenant « au moins huit soignants et animateurs pour dix résidents en Ehpad ». « En France, le rapport est de 6 pour 10, là où les pays du Nord sont à 10 », précise-t-elle au JDD. Et « si vous rétablissez un taux d’encadrement normal, les aides-soignants reviendront y travailler ».
« Isolement arbitraire »
Selon le rapport qui sera présenté lundi, « certains soins », comme la toilette, sont « organisés dans une logique comptable pour réduire les effectifs du personnel ». Il évoque les résidents d’un Ehpad qui avaient « au mieux une douche tous les quinze jours » et restaient pour certains « la plupart du temps en blouse d’hôpital ou en pyjama ». Pour pallier le manque de personnel, l’établissement imposait « deux jours d’alitement par semaine par résident ».
Autre point noir, les confinements intempestifs dans des établissements à la suite de quelques contaminations au SARS-CoV-2. La Défenseure des droits demande de « mettre un terme aux violations de la liberté d’aller et venir » et de « rétablir le droit au maintien des liens familiaux des résidents en Ehpad » (cette question constitue 46 % des réclamations reçues).
Elle cite des « cas d’isolement arbitraire de résident dans leur chambre » ou de « restrictions de visites », détaille des exemples de « prohibition de la présence d’un proche lors des repas ; obligation de maintenir les portes des chambres ouvertes afin de vérifier le respect du maintien d’une distance entre les personnes ; interdiction de contact physique, comme prendre la main ».
Par ailleurs, le rapport relève les faiblesses de la lutte contre les maltraitances, en pointant en particulier l’absence d’« outil de mesure fiable et partagé par l’ensemble des autorités de contrôle ». Il demande un « dispositif de vigilance médico-sociale pour renforcer l’identification, le signalement et l’analyse des situations de maltraitance ».
A cet effet, le gouvernement a déjà lancé en septembre trois missions administratives pour élaborer des pistes pour mieux repérer, quantifier et prévenir les maltraitances contre les personnes âgées.
Saluant la décision du gouvernement d’inspecter la totalité des 7 500 Ehpads dans le sillage du scandale Orpea, la Défenseure des droits note « l’insuffisance de moyens humains » pour effectuer « les inspections requises ».
Annoncée en mars 2022 par le gouvernement, la publication de dix indicateurs-clés sur chaque établissement pour aider les familles à faire leur choix se fait encore attendre.
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