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samedi 21 janvier 2023

CheckNews Espérance de vie, déficit, âge de départ : le vrai et le faux du débat sur la réforme des retraites

par LIBERATION et Service Checknews  publié le 19 janvier 2023

Le débat sur le projet de loi de réforme du système de retraites a été l’occasion de nombreuses intox ou approximations. «CheckNews» s’est penché sur huit affirmations des partisans, et des opposants, de la réforme.
publié le 19 janvier 2023 

Les plus modestes seront-ils vraiment les moins touchés par l’allongement de la durée de travail ?

«Les 20% des Français les plus modestes sont ceux auxquels on demande le moins de travailler plus longtemps», assurait Elisabeth Borne le 14 janvier en défense de sa réforme, un argument clé de l’exécutif. Si l’étude d’impact qui précise ce point n’est pas encore disponible, l’argument de la Première ministre pourrait être assez vrai… mais pour une raison socialement assez injuste : ils sont déjà les plus nombreux à devoir attendre l’âge du taux plein à 67 ans ou à bénéficier de l’invalidité ou de l’inaptitude à 62 ans.

 

Peut-on vraiment dire que 25% des travailleurs masculins les plus modestes meurent avant la retraite ?

C’est une des statistiques les plus mises en avant par les opposants à la réforme, jusqu’à Laurent Berger sur France Inter. Ce chiffre n’éclaire pourtant que très imparfaitement le débat sur les retraites. Repris d’une infographie diffusée par Libé en décembre 2021, il déforme pourtant son sujet d’origine : quand le leader cédétiste ou le leader de La France insoumise, Manuel Bompard, évoquent des «travailleurs», le chiffre, issu d’une étude de l’Insee, concerne l’ensemble des hommes et pas uniquement les travailleurs. Surtout, il est une construction fictive, mesurant la mortalité de personnes ayant appartenu, durant toute leur vie, à la catégorie des 5% les plus modestes. 

Est-il vrai que dans «3 scénarios sur 4» du COR, le régime des retraites sera excédentaire dans dix ans, comme le dit Thomas Porcher ?

L’économiste membre des Economistes atterrés, invité sur France Inter début janvier, affirmait que le Conseil d’orientation des retraites (COR) n’était pas si pessimiste que le présentait le gouvernement. Or, si la lecture des recommandations du COR doit être faite avec des précautions, il n’en demeure pas moins que tous les scénarios (il y en a d’ailleurs 8 et non 4) proposent une projection déficitaire dans dix ans. Ce sur quoi Thomas Porcher est revenu auprès de CheckNews. 

Les projections de déficits ont-elles été artificiellement exagérées ?

Le gouvernement s’est-il fondé sur des hypothèses économiques «fantaisistes» pour légitimer sa réforme des retraites, censée remédier à un déficit de financement à l’horizon 2037 ? C’est ce que déplore l’économiste Michael Zemmour, qui a remarqué que le Conseil d’orientation des retraites avait dû faire ses calculs sur la base d’un taux de chômage assez bas pour ses prévisions portant jusqu’à 2027… puis d’en changer pour ses projections pour la période 2027-2032. 

Sans réforme, le déficit des retraites va-t-il vraiment être multiplié par 24 en 2050, comme le laisse penser le gouvernement ?

Dans la présentation de son projet de réforme du système des retraites, le gouvernement a anticipé une augmentation de son déficit de 1,8 milliard cette année à 43,9 milliards en 2050, soit une multiplication par 24,3. Mais le calcul est largement trompeur, la présentation de l’exécutif étant en euros constants (tenant donc compte de l’inflation), sans tenir compte du fait que le PIB, dont dépend le financement des retraites, augmente lui aussi chaque année. Si le COR prévoit bien un déficit accru, ses prévisions sont nettement moins pessimistes. 

Les différents fonds de réserve des retraites pourraient-ils financer les déficits à venir ?

Les 200 milliards d’euros de réserves constituées par certains régimes de retraite pourraient-ils permettre d’apurer le système de retraite global et ainsi constituer une alternative au recul de l’âge de départ en retraite voulu par le gouvernement Borne ? Le calcul se tient pendant quelques années, il devient obsolète, dans le meilleur des cas, en 2037. Enfin, il est à noter que le principe de ces réserves n’est pas de répondre à un déficit récurrent mais de passer «les mauvais moments économiques».

Les sondages montrent-ils que les retraités sont plus favorables au report de l’âge légal de départ que les actifs ?

Les retraités, non concernés par la réforme des retraites en dehors de ceux qui pourraient voir augmenter leur pension à 85% d’un smic net à temps complet, sont-ils davantage favorables à une réforme qui ne prévoit pas d’amputer leurs pensions ? CheckNews a fait le tour de plusieurs sondages recueillant l’opinion des Français par catégories socioprofessionnelles sur le texte pour se faire une idée sur la question. 

Retraites : est-il vrai que la France affiche l’un des âges moyens de départ les plus bas d’Europe, comme le dit LCI ?

Dans un graphique diffusé début décembre, la chaîne LCI indiquait à tort que la France affichait un âge moyen de départ à la retraite de 63 ans, contre 65 ans en Espagne, 66 en Allemagne et 67 ans en Italie. La chaîne s’est emmêlé les pinceaux entre l’âge théorique auquel un travailleur pouvait, en 2018, partir avec tous ses trimestres sans pénalité, et l’âge réel de départ. Ce qui ne donne pas vraiment les mêmes écarts. 

Luc Ferry s’empêtre dans les chiffres de l’espérance de vie pour justifier la réforme des retraites

Dans un débat sur LCI, l’ancien ministre de l’Education, soutien d’Emmanuel Macron et partisan de la réforme s’emporte : «On a pris quarante ans d’espérance de vie depuis 1900. Quarante ans ! On vit 80 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes. Pardon de le dire, mais il faut un QI de bulot pour ne pas comprendre qu’il faut augmenter la durée de cotisation ou le taux de cotisation ou les deux.» En invoquant ce chiffre, Luc Ferry confond l’espérance de vie à la naissance et l’espérance de vie à l’âge de la retraite, tout en oubliant que cette dernière a déjà été prise en compte dans l’augmentation de la durée de cotisation… et que la hausse de l’espérance de vie, du fait des réformes passées et sans même attendre celle qui se profile, ne signifie pas une hausse comparable du temps passé à la retraite. 


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