Par Tiphaine Thuillier Publié le 19 janvier 2023
Motivation, confiance en soi, gestion du stress… Les conseils et offres d’accompagnement psychologique pour les étudiants en PASS et L.AS sont proposés par certaines universités mais surtout par des acteurs du privé.
Quand Anaëlle Cotte-Carluer, 17 ans, étudiante en première année de PASS (parcours accès santé spécifique) à l’université Lyon-Sud a ouvert son compte Instagram un soir du mois d’octobre, elle est tombée sur une publication du tutorat de sa fac, qui lui a fait du bien. Intitulé « Mardi tips sur le stress », ce post détaillait la mécanique du stress et les différents moyens de lutter contre ses effets néfastes. Du bain à la méditation en passant par la cohérence cardiaque, quelques idées concrètes pour lutter contre la vague de panique qui peut parfois s’emparer des jeunes gens en pleine période de révisions étaient proposées. Le tout entrecoupé de phrases encourageantes : « Croyez en vous », « Vous n’êtes pas seuls » ou « Vous êtes capables du meilleur ». « Dans le tutorat où je suis inscrite, il y a un pôle bien-être, raconte Anaëlle. Ils nous ont donné quelques conseils en amphi et publient régulièrement ce genre de contenus sur les réseaux sociaux. Ce sont des recommandations simples, des astuces réalistes. Moi ça m’a paru suffisant, mais peut-être parce que je ne suis pas hyper stressée. »
Selon une étude de 2021, 39 % des étudiants et des internes avaient des symptômes dépressifs
A l’image du compte de la faculté de Lyon-Sud, les contenus destinés à remonter le moral des première année des redoutables études de santé (PASS et L.AS) se multiplient sur les réseaux sociaux. Sur TikTok, la chaîne PassLasTonannée créée par Germain Lévêque, 27 ans, distille des recommandations de bon sens dans des vidéos. « Te comparer aux autres est mauvais pour toi », « Crois en toi, tu le mérites », promet le jeune psychologue spécialisé dans l’optimisation de l’apprentissage et la motivation, qui a longtemps accompagné des étudiants de Paces, l’ancien nom de la première année de médecine. « Ils étaient absolument débordés de tout : de travail, de stress et d’émotions en tout genre », se souvient-il.
Une étude sur la santé mentale des étudiants en médecine et des internes menée en juin 2021 par trois syndicats d’étudiants a montré que 75 % des jeunes interrogés présentaient des symptômes anxieux, 39 % avaient des symptômes dépressifs et un sur quatre avait vécu un épisode dépressif caractérisé. Il y a donc urgence à prendre soin du moral des futurs médecins.
« La thématique du bien-être psychologique des étudiants a pris de l’ampleur ces dernières années, estime Natan Goulin, vice-président chargé du tutorat à l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf). Profs, parents, universités, tout le monde a compris que c’est un élément essentiel pour la réussite de cette année difficile. Un étudiant anxieux, qui rumine, qui a peur de l’échec, ne va pas arriver à travailler correctement et à retenir ses cours. » Un avis partagé par Pierre Tatincloux, vice-président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). « Etre bon sur le fond est essentiel, mais il faut d’abord être sûr d’arriver jusqu’à l’examen et ne pas exploser en vol », souligne le jeune étudiant.
Mauvaise gestion du stress, facteur d’échec
Le sujet n’a pas non plus échappé aux acteurs privés qui tentent de mettre en avant leur offre de coaching mental. « Nous avons fait évoluer notre programme d’accompagnement il y a deux ans en ajoutant aux aspects académiques un véritable travail sur la préparation mentale, commente Pierre Torrès, responsable commercial du groupe Albarelle, qui possède le Cours Galien, l’une des plus anciennes prépas. La mauvaise gestion du stress est un facteur d’échec pour beaucoup d’étudiants, même quand ils sont bons. Chaque année, on a des étudiants qui se plantent, car ils sont trop anxieux ou complètement tétanisés par l’enjeu. »
Dans le cadre d’un module de sept heures annuelles baptiséOptimind, les étudiants remplissent un questionnaire pour définir leur profil psychologique. Puis, tout au long de l’année, ils reçoivent des conseils pour apprendre à respirer ou à se canaliser. L’offre du Cours Galien se veut la plus personnalisée possible, avec la possibilité d’un suivi individuel avec un coach à condition de dépenser 50 euros de l’heure. Une somme importante, qui n’est clairement pas à la portée de toutes les bourses, et qui s’ajoute aux frais déjà très élevés pratiqués par la prépa puisque, selon la ville, l’année coûte entre 4 500 et 6 000 euros.
Gwenaëlle Bougueon, 20 ans, rêve d’être endocrinologue. Lorsqu’elle s’est inscrite en première année de médecine à Nantes, elle a également choisi de faire une prépa pour multiplier ses chances. De cette année de labeur, elle a gardé le souvenir d’une vie marquée par le stress, une sorte de tension constante. « On avait quelques exercices de sophrologie de temps en temps, raconte-t-elle. Ce qui m’a surtout aidée, c’est l’échange avec ma marraine avec qui je faisais des visios de soutien. »
Soutien entre pairs
Au sein des tutorats aussi, on joue la carte du retour d’expérience et de l’entraide entre pairs. Liz-Marie Praud, 21 ans, étudiante en troisième année dentaire à Rennes, participe à ce système d’accompagnement gratuit mené par des étudiants bénévoles de deuxième ou troisième année, en lien avec les enseignants. « Nous avons mis en place un fil de conversation sur Discord entre étudiants et tuteurs dans lequel on se donne des conseils. Si quelqu’un dit qu’il n’arrive pas à dormir parce qu’il est submergé par la panique, on peut lui donner des conseils de bon sens », commente la jeune femme, qui précise qu’aucune suggestion médicale n’est jamais formulée dans le cadre de ces échanges.
« L’aspect mental n’est pas assez pris en considération dans le monde académique français. » Pierre Torrès du groupe Albarelle, qui possède le Cours Galien, l’une des plus anciennes prépas
En revanche, si un étudiant présente des signes alarmants, il est immédiatement mis en relation avec le bureau d’aide psychologique de son université ou dirigé vers des professionnels. « Il est très positif que les canaux de parole se multiplient, mais il faut tout de même veiller à ne pas laisser croire qu’il y a une méthode unique, une recette miracle qui convient à tout le monde », prévient Pierre Tatincloux.
Natan Goulin se méfie lui aussi d’un discours qui ne serait axé que sur la performance. « Il faut veiller à ne pas asséner des phrases toutes faites ou qui pourraient ressembler à des injonctions, prévient-il. Il ne faut pas dire aux étudiants qu’ils doivent être les meilleurs, les champions. Le but, c’est de réussir, bien sûr, mais aussi de garder des forces pour les années suivantes. » Et des forces, ils vont en avoir besoin pour la suite de leur carrière. « L’aspect mental n’est pas assez pris en considération dans le monde académique français et c’est regrettable, estime Pierre Torrès. Or, cela va leur servir tout au long de leur carrière, dès les premiers stages à l’hôpital, où il sera important pour eux de bien se connaître et de savoir gérer leur stress. »
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