Le Monde avec AFP Publié le 07 décembre 2022
Cette autorité indépendante évoque des « atteintes à une partie des droits fondamentaux des personnes privées de liberté ».
Le mécanisme d’évaluation des détenus longue peine provoque des « ruptures » dans la réinsertion et il souffre d’« incohérences », estime la contrôleuse des prisons, Dominique Simonnot, dans un avis publié mercredi 7 décembre.
Géré par la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) et réparti sur quatre sites en France, le Centre national d’évaluation (CNE) intervient à deux étapes très éloignées de l’incarcération des longues peines.
Dans le cadre d’une évaluation « initiale », il détermine l’établissement dans lequel seront écroués les détenus qui viennent d’être condamnés à plus de quinze ans de réclusion pour une liste d’infractions (crime, viol, acte de barbarie…). Dans le cadre d’une l’évaluation « fin de peine », il accueille les condamnés aux peines les plus longues – dont la réclusion à perpétuité – quand ils ont déposé une demande de libération conditionnelle.
« Tels qu’ils sont actuellement mis en œuvre, ces dispositifs d’évaluation entraînent des atteintes à une partie des droits fondamentaux des personnes privées de liberté », analyse la contrôleuse des prisons. Elle appelle ainsi à réformer le cadre légal du CNE.
« Des incohérences qui mettent en cause la pertinence même de l’outil »
Chaque année, quelque 800 détenus sont transférés dans un des quatre sites du CNE pour six semaines d’évaluation, « initiale » ou « fin de peine ». A leur terme est publié un rapport sur lequel s’appuieront la DAP pour la décision d’affectation, ou un juge d’application des peines pour une libération conditionnelle. « Le fonctionnement de ce centre aux quatre sites décentralisés présente des incohérences qui mettent en cause la pertinence même de l’outil », estime la CGLPL sur la base de visites en 2021, et de témoignages. Si elle constate que les locaux sont en grande partie « en excellent état », Dominique Simonnot relève plusieurs griefs.
Les délais pour rejoindre le CNE sont « largement supérieurs » aux limites légales. L’attente pour en sortir, une fois l’évaluation achevée, se fait dans des quartiers isolés et « inadaptés » en termes sanitaires ou d’activités, ce qui risque de provoquer un « nouveau choc carcéral ».
Ce dispositif serait, en outre, « mal compris » par les détenus en fin de peine. Il provoquerait une « série de ruptures », notamment dans leur accès au travail en détention et le « maintien des liens avec l’extérieur ». En outre, du fait du faible nombre de sites, tous en France métropolitaine, les prisonniers ultramarins, les femmes et les personnes non francophones sont « particulièrement mal intégrés au dispositif » et « souffrent de cette perte de sens », selon l’avis.
Ces ruptures, conclut l’avis, risquent de dissuader certains détenus de maintenir leur demande d’aménagement de peine, « ce qui entre en contradiction avec l’objectif de lutte contre la récidive et de réinsertion » du CNE.
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