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vendredi 9 décembre 2022

Actes inutiles et soins fictifs : “Cash investigation” ausculte les braqueurs de la Sécu

Hold-up sur la Sécu : à qui profite la fraude ?

Magazine d'information (1h50) - France

Présenté par Lucet Elise


Contrairement aux préjugés, les plus gros fraudeurs de la Sécurité sociale ne sont pas les assurés… mais des professionnels et centres de santé véreux, qui dévoient le système du tiers payant. Une enquête implacable et pédago, tournée comme un polar.

C’est un rectangle de plastique vert, glissé dans nos portefeuilles entre la carte d’identité et celle de la banque. Mais c’est aussi un véritable coffre-fort que certains ont appris à forcer sans vergogne : notre carte Vitale, qui permet aux professionnels de santé (médecins, infirmiers, dentistes…) de facturer nos soins à l’Assurance maladie et de se les faire payer en direct (grâce au système du tiers payant).

Le braquage conté par ce numéro extrêmement fouillé, comme à l’accoutumée, du magazine d’Élise Lucet, c’est celui-ci : le casse de la Sécurité sociale. Et, surprise, les braqueurs en chef ne sont pas les assurés : « Leurs fraudes à la CMU, aux pensions d’invalidité ou aux arrêts de travail sont importantes en nombre, mais ne représentent qu’une part infime de la fraude globale, estimée par la Cour des comptes, en 2020, à 4,5 milliards d’euros », explique le réalisateur, Donatien Lemaître. Les principaux coupables : des professionnels de santé véreux, qui facturent des actes inutiles, voire carrément des soins fictifs − payés par la Sécu, donc, mais jamais administrés aux patients.

Premiers accusés : les centres dentaires, qui pullulent sur le territoire depuis 2017 (plus de mille trois cents). Les quarante premières minutes leur sont consacrées, révélant d’invraisemblables pratiques, témoignages de victimes et d’anciens praticiens à l’appui. Radios systématiques, soins superflus, couronnes inutiles… permettent à certains dentistes de facturer jusqu’à six fois plus que la moyenne de leurs collègues.

Ces « dengsters », comme les appelle un « repenti », font tourner un système digne des Panama Papers, qui va du centre associatif à la mystérieuse société luxembourgeoise. Mais ils ne sont pas les seuls dans le viseur de Donatien Lemaître, dont le travail − dix-huit mois d’enquête et de tournage − met au jour, au sein du monde codifié de la santé, des pratiques dignes d’un scénario de polar.

Avec une mise en scène créative, pleine d’un humour inégal mais qui a le grand mérite de gommer l’âpreté et la technicité du sujet au profit d’une narration pédagogique et légère, son film déroule une démonstration limpide, implacable et effrayante. Il a mis son entourage à contribution : deux collaborateurs prêtent leurs mâchoires en cobaye pour obtenir des devis (faramineux) ; son propre père s’installe deux semaines dans une résidence senior, où des infirmiers lui facturent des soins quotidiens jamais effectués. Un journaliste se fait embaucher à la Sécurité sociale et y découvre que les factures sont payées « à l’aveugle », sans contrôle. « L’Assurance maladie, c’est la culture du paiement, confirme Donatien Lemaître. Sa mission vise à rembourser rapidement patients et professionnels. Et elle le fait ! Si ce paiement est ralenti pour mieux lutter contre la fraude, cela aura un impact sur les professionnels de santé et aussi sur nous, les assurés. »

Cuisinés par Élise Lucet, le ministre de la Santé François Braun temporise, le patron de l’Assurance maladie a les lunettes qui tremblent, celui de l’Ordre des infirmiers s’étrangle en voyant les images d’une vieille dame en pleine forme pour qui la Sécu a payé à des infirmiers, en dix-huit mois, 10 000 euros de soins correspondant à un handicap lourd… « La fraude à la Sécu n’est pas un sujet nouveau, la presse en parle depuis vingt ans, précise Donatien Lemaître. Mais la situation s’est aggravée avec la garantie de paiement. »

Depuis 2016 et la généralisation du tiers payant, la Sécu a sept jours pour payer les professionnels de santé. Lesquels ont commencé, avant même la diffusion du film, ce jeudi 8 décembre sur France 2, à organiser une « levée de boucliers » sur les réseaux sociaux, protestant de leur innocence. « Ce sont des métiers assez réactifs »,commente Donatien Lemaître, qui s’attend aussi, peut-être, à des annonces de dépôt de plainte contre certains centres dentaires. Au terme de ces cent minutes, qui passent comme un film policier, on se dit qu’on ne verra plus sa carte Vitale comme avant.

À voir
r Cash investigation - Hold-up sur la Sécu : à qui profite la fraude ?, sur France 2, jeudi 8 décembre, 21h10.


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