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lundi 5 décembre 2022

Le psychiatre et historien Jacques Postel est mort

Par    Publié le 03 décembre 2022

Psychiatre, il se fit historien de la psychiatrie en rupture avec la tradition hagiographique qui s’imposait jusque-là. Il s’est éteint le 25 novembre à l’âge de 95 ans.

Jacques Postel chez lui, dans le 5e arrondissement de Paris, le 10 mars 2017.

Psychiatre qui se fit historien de la psychiatrie en rupture avec la tradition hagiographique qui s’imposait jusque-là, Jacques Postel est mort le 25 novembre à l’âge de 95 ans.

Né à Clermont-Ferrand le 1er janvier 1927 au sein d’une famille de la petite bourgeoisie la plus classique – si le père est dentiste, la mère est femme au foyer – Jacques Postel entreprend à Nice ses études de médecine avant de soutenir à Lyon sa thèse de doctorat consacrée à « l’expression électrique des accidents vasculaires cérébraux d’origine traumatique » (1955).

S’il passe le clinicat des hôpitaux de la Seine et est nommé chef de service à Esquirol, puis à Maison-Blanche avant Sainte-Anne, où il exercera un quart de siècle, Postel explore d’autres savoirs, se forme à la philosophie et à la psychanalyse, par le biais d’une analyse menée avec René Laforgue (1894-1962). Témoignage d’une ouverture d’esprit qui sera sa marque.

Refonte du regard sur sa discipline

L’histoire en bénéficie et, dans le sillage de l’essai de Michel Foucault Histoire de la folie à l’âge classique (Plon, 1961), Postel soutient la révolution que provoque cet ouvrage dans la façon de penser l’histoire de la psychiatrie, rompant avec les enjeux corporatistes qui l’aliènent pour défendre la dimension scientifique seule capable de réévaluer les débuts de la psychiatrie à l’orée du XIXe siècle – s’ensuivra le mémorable débat sur la promotion de l’aliéniste au détriment de l’infirmier et la « libération » des fous où se mesurent les apports respectifs de Philippe Pinel (1745-1826) et du surveillant d’asile Jean-Baptiste Pussin (1745-1811) qui le seconde à la Salpêtrière. S’il a été l’assistant de Daniel Lagache (1903-1972), premier psychanalyste en poste à la Sorbonne et pionnier des études de psychopathologie, Jacques Postel quitte en 1975 l’Association psychanalytique de France (APF) que Lagache a cofondée une dizaine d’années plus tôt.

Toujours mu par le désir de refonte du regard sur sa discipline, il intègre dans cette optique dès l’année suivante le comité de rédaction de la prestigieuse et déjà vénérable revue L’Evolution psychiatrique, dont le premier volume en 1925 parut chez Payot, premier éditeur des textes freudiens. C’est Etienne Trillat (1919-1998) qui en est rédacteur en chef depuis 1973 après le long règne – vingt-sept ans ! – d’Henri Ey (1900-1977), dont le beau rêve d’en faire un « lieu de synthèse où les différences et les antagonismes se côtoient sans se rejeter » a pu favoriser un entre-soi dommageable à l’esprit critique. Trillat qui synthétisera ses travaux dans son Histoire de l’hystérie (Seghers, 1986), s’appuie sur la Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical de Michel Foucault (PUF, 1963) et accueille chaleureusement Jacques Postel comme Georges Lantéri-Laura (1930-2004), l’épistémologie de la discipline intégrant, outre l’histoire, la linguistique et la phénoménologie.

Travailleur acharné

Succédant à Trillat à la tête de la revue en 1984, Postel accentue encore cette redéfinition fondamentale. Travailleur acharné – il signe des centaines de notes de lecture, participe à l’édition scientifique de textes historiques tout en dirigeant avec l’historien Claude Quétel un ouvrage collectif, devenu aussitôt une référence, Nouvelle histoire de la psychiatrie(Privat, 1983) – Postel ne limite pas son apport à la richesse de ses publications.

A la tête d’une collection, « Rhadamanthe », qu’il crée dès 1971 chez Privat, où il accueille la thèse de Gladys Swain (1945-1993), Le Sujet de la folie (1977), il invente à Sainte-Anne, avec Marcel Gauchet et sa compagne Gladys Swain, un séminaire pionnier d’histoire de la psychiatrie avant de fonder le 23 décembre 1982 avec Claude Quétel et Michel Collée la Société d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse dont il est le premier président – devenue « Société internationale » quatre ans plus tard elle est aujourd’hui présidée par Elisabeth Roudinesco.

S’il cède à Yves Thoret (1938-2020) la rédaction en chef de L’Evolution psychiatrique en 1991, Jacques Postel ne quitte la présidence du comité de rédaction qu’en 2003. Quand nombre de ses textes sont repris en volume (Eléments pour une histoire de la psychiatrie occidentale, L’Harmattan, 2007), Postel se tient désormais en marge du monde académique, signant avec son épouse Jeannine Poitau des Trois destins de femmes en asile psychiatrique (L’Harmattan, 2014) puis, plus enclins à la lecture littéraire, De Machado à Lautréamont (2017) aux Presses du Midi où ils livrent enfin des textes intimes et sensibles, Beauté fragile (2017) et Trilogie baroque (2018). Déjouant toujours les cloisonnements qui enferment.


Jacques Postel en quelques dates

1er janvier 1927 Naissance à Clermont-Ferrand

1982 Président de la Société d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse

1983 Nouvelle histoire de la psychiatrie

1984 Prend la direction de la revue L’Evolution psychiatrique

25 novembre 2022 Meurt à 95 ans



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