par Yoanna Herrera publié aujourd'hui
A la une de l’un des plus gros journaux allemands, le virologue allemand Christian Drosten, figure emblématique de la gestion sanitaire du pays, suggère que l’Allemagne serait en train de vivre la première vague endémique de Sars-Cov-2. Dit autrement : le plus dur est passé. «A mon avis, la pandémie est terminée, a déclaré Drosten dans le Tagesspiegel lundi. On voit que le nombre de cas graves diminue de plus en plus. Je ne pense pas que nous subirons de nouveau retour en arrière.» En France, le dernier point épidémiologique de Santé publique France a souligné un ralentissement du virus au niveau national mais «le nombre de nouvelles hospitalisations restait élevé» durant la semaine du 12 au 18 décembre.
Concrètement, «on parle d’endémie quand une maladie infectieuse s’installe de façon continue et durable dans une région ou un pays. La maladie peut alors toucher une partie plus ou moins importante de la population mais n’est plus en progression», décrypte pour Libération le professeur Olivier Schwartz, directeur de l’unité virus et immunité à l’Institut Pasteur. «Dans certains pays on peut en effet considérer que le Covid puisse devenir endémique, reprend l’immunologue. Le cas de la France est similaire à celui de l’Allemagne. L’intensité des pics épidémiques tend à diminuer au cours des différentes vagues, notamment grâce à la mémoire du système immunitaire.»
En Europe, «la situation épidémiologique est en train de changer grâce à l’immunité de la population acquise à la fois par des infections naturelles et par la vaccination, qui a joué un grand rôle, explique à Libération le professeur Xavier de Lamballerie, membre du Covars – le nouveau conseil scientifique -, s’exprimant à titre individuel. Toutes les personnes vaccinées ou infectées gardent un fond d’immunité. Mais pour assurer une bonne protection, il faut être réimmunisé périodiquement.» Lui se garde de parler de fin de la pandémie et veut croire que «ce que Christian Drosten a dit a été un peu retranscrit de manière rapide. Il dit principalement que la situation est en train de changer à cause de l’immunité de la population. C’est de ça dont il parle…»
«Au cours du phénomène de l’endémie, le virus circule, la population se ré-infecte constamment et s’immunise, mais malheureusement il persiste actuellement encore des formes graves de Covid et on ne peut pas prendre cela à la légère», ajoute la professeure Brigitte Autran, présidente du Covars. «La pandémie du Covid a circulé pendant trois ans. Maintenant la maladie est installée et va circuler de manière permanente. Nous allons vivre avec, tout en se protégeant de la meilleure façon possible.»
Vers une épidémie plus rythmée par les saisons
Quand les pays connaissent plusieurs vagues épidémiques importantes, «l’immunité de la population empêche une circulation virale continue et pousse vers des épidémies qui pourraient être rythmées par les saisons. Progressivement, on rencontrera des périodes creuses où le virus ne circulera pas – ou peu – et des périodes de reprise. On parle alors d’une circulation endémo-épidémique, détaille le professeur De Lamballerie. La rythmicité de ces épisodes sera dictée par l’immunité acquise lors de la vague précédente et par sa durée.»
«L’un des scénarios qui peut se présenter comme probable, est celui d’un virus qui continuera à muter mais avec une fréquence d’émergence de variants réellement différents plus rare – et associée à des épidémies plus importantes», poursuit-il. Une situation qui pourrait ressembler à celle de la grippe, avec des années calmes et d’autres qui font plus de victimes. «Il arrivera un point où on n’aura plus de vagues tous les cinq ou six mois comme ça a été récemment le cas.» Mais le professeur ne se prononce pas pour donner une échéance. «Je n’ai pas une boule de cristal et en termes de prédiction, la crise sanitaire nous a appris à être modestes et très prudents.»
«On n’est pas à l’abri d’un nouveau variant»
Les scientifiques commencent à observer un phénomène «endémo-épidémique», terme aussi choisi par Brigitte Autran. La présidente du Covars est plus réservée que son collègue allemand et préfère attendre «que la vague chinoise soit derrière nous – et derrière eux pour parler d’une fin de la pandémie». La situation sanitaire chinoise ne représente pas un danger imminent pour notre pays, notamment parce que les virus qui circulent appartiennent tous à la dynastie omicron. Mais elle reste «préoccupante pour les semaines et mois à venir, prévient Brigitte Autran. Et tant qu’on n’est pas rassuré du côté de la Chine, il faut rester vigilant. On voit le bout du tunnel, mais on surveille étroitement.»
Car en Chine, «omicron risque de continuer à évoluer, compte tenu de son taux de propagation gigantesque et du réservoir humain non encore infecté. Les mutations ne seront peut-être pas liées à une résistance accrue aux anticorps, vu la faible immunité de la population chinoise. Mais on ne sait pas dans quelle direction le virus pourrait évoluer», développe le professeur Schwartz. Pour lui aussi, l’avenir est difficile à prédire car «c’est une situation multiparamétrique qui dépend à la fois du type de variant qui se propage, de la date de la dernière vaccination ou de l’infection précédente. Tout cela va définir la capacité du virus à se propager.» Un avis partagé par son confrère, le virologue Xavier de Lamballerie : «On n’est pas à l’abri d’un nouveau variant. Avec l’épidémie en Chine, il y aura des centaines de millions d’infectés et l’émergence de nouvelles souches est une possibilité à prendre en compte.»
Les trois experts soulignent que le rappel vaccinal et les gestes barrières restent la meilleure défense contre le Covid. «Chez les personnes à risque de forme sévère, le traitement antiviral Paxlovid, administré rapidement après infection, est efficace contre Sars-Cov-2 et tous les variants omicron», rappelle le professeur Schwartz. Une posture partagée par les deux membres du Covars. Pandémie, épidémie, endémie, les termes importent finalement moins que le niveau de gravité que les sociétés sont prêtes à accepter. «Au début de l’année 2020, quand on a atteint les 200 premiers morts, les gens l’ont vécu comme si un avion de ligne s’était écrasé. Aujourd’hui, c’est comme si un avion de ligne s’écrasait tous les deux jours… Mais nous sommes comme immunisés contre le fait que des gens continuent à mourir de Covid. Le plus triste reste que certains de ces morts auraient pu être sauvés s’ils avaient eu une vaccination à jour», conclut le professeur De Lamballerie.
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