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mercredi 6 avril 2022

Remboursement des consultations : le dispositif « MonPsy », une formule qui divise les professionnels

Par   Publié le 5 avril 2022

Depuis mardi, les Français peuvent bénéficier d’un forfait de huit consultations, intégralement pris en charge par la Sécurité sociale et les complémentaires santé. Tarif, nombre de rendez-vous… certains points suscitent le mécontentement.

Emmanuel Macron l’avait annoncé lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, en septembre 2021 : huit séances annuelles chez le psychologue peuvent désormais être remboursées, à compter de mardi 5 avril, via la plate-forme MonPsy (Monpsy.sante.gouv.fr) pour tous les Français âgés d’au moins trois ans. « La pandémie a révélé l’importance du sujet de la santé mentale », avait déclaré le chef de l’Etat, appelant à mettre plus de moyens dans ce secteur. Les psychologues du secteur libéral peuvent dorénavant recevoir des patients qui bénéficieront d’un remboursement, sous certaines conditions.

Ce sont justement ces conditions qui suscitent le débat chez les professionnels. Mardi 29 mars, plus de 2 000 psychologues cosignaient une tribune dans Le Monde afin de signifier leur opposition. « Beaucoup de psychologues sont favorables à un dispositif de remboursement des séances au nom d’une égalité d’accès aux soins psychiques (…) Pour autant, le dispositif MonPsy est inacceptable et dangereux pour nous comme pour nos futurs patients », écrivaient les signataires.

Premier point de crispation : la nécessité d’être orienté vers le psychologue par un médecin généraliste pour pouvoir bénéficier de la prise en charge. Une condition à laquelle s’oppose vivement le Syndicat national des psychologues (SNP), qui la juge « inadéquate », car n’appartenant pas au « domaine de compétences des médecins ». Son secrétaire général, Patrick-Ange Raoult, signataire de la tribune, avance notamment que cette obligation peut « provoquer une réticence supplémentaire, avec un retard de prise en charge », puisqu’elle implique que le patient se confie une première fois chez un médecin avant de le faire auprès d’un psychologue.

La Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP) adopte une position plus mesurée sur ce point. Selon sa présidente, Gladys Mondière, il aurait fallu trouver un dispositif hybride, en laissant le choix entre un passage par le généraliste et un accès direct vers un psychologue. « L’adressage a comme avantage qu’un bon nombre de patients qui n’iraient pas spontanément voir un psychologue vont y aller, parce qu’ils sont recommandés par le médecin traitant », souligne la psychologue, exerçant en cabinet à Lille. Mais, pondère-t-elle, « d’autres personnes n’ont pas envie de parler de leurs problèmes personnels à leur médecin traitant. Ceux-là, on ne les aura pas. »

1 300 psychologues volontaires

Le patient doit ensuite consulter la plate-forme MonPsy pour trouver un psychologue recensé. Sur les 18 000 psychologues libéraux exerçant en France, 1 300 se sont pour l’heure portés volontaires. Avant d’apparaître sur la plate-forme, leurs candidatures sont examinées, afin de s’assurer qu’elles répondent aux critères d’éligibilité : les psychologues doivent par exemple avoir exercé pendant au moins trois ans. A l’heure actuelle, 600 professionnels sont inscrits, les autres dossiers étant en cours d’examen.

Concernant les troubles des patients, ils doivent se limiter à une intensité « légère à modérée » ; les personnes aux manifestations plus sévères devant être orientées vers des soins plus spécialisés. Au total, huit séances sont prises en charge : une première consultation d’évaluation, puis sept autres classiques. Ce plafonnement est également critiqué : pour le SNP comme pour la FFPP, ce n’est pas suffisant. « Cela ne correspond pas à la réalité,clame Patrick-Ange Raoult, également professeur de psychopathologie à l’université catholique de Lyon. On peut avoir besoin de deux ou trois séances, comme de dix, ça dépend de l’état psychique. » Gladys Mondière le rejoint sur ce point : « Parfois cela pourrait suffire, mais, majoritairement, on a besoin de plus. Cela ne colle pas bien à nos pratiques. » Si le nombre maximum de séances annuelles est plafonné à huit, les consultations peuvent être renouvelées l’année suivante.

Autre source de mécontentement : le prix. La première séance coûte 40 euros, les suivantes, 30. Les représentants des professionnels s’accordent à dire que ces tarifs sont insuffisants, car en deça de ceux des consultations habituelles. Seuls certains cas sont exempts de l’avance des frais, tels que les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS), de l’aide médicale d’Etat (AME), les femmes enceintes à partir du sixième mois de grossesse, les personnes en affection de longue durée (ALD), ainsi que celles consultant à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Après envoi de la feuille de soins à son organisme d’assurance maladie, le patient est remboursé à hauteur de 60 % par la Sécurité sociale, et à 40 % par sa complémentaire, s’il en a une.

« Toute la population en a besoin »

Pour France Assos Santé, qui regroupe près de 90 associations de patients, le dispositif est en revanche à saluer. « On sort d’une crise sanitaire, sociale, qui a passablement ébranlé l’ensemble de nos concitoyens. L’accès à un psychologue d’une façon gratuite nous paraît important », observe son président, Gérard Raymond, qui préconise de faire « vivre » la mesure « avant de la critiquer ».

Jean-Cyrille Lecoq, psychologue exerçant à Paris, est également favorable au dispositif. Il s’est porté candidat sur la plate-forme, tout comme il avait pu le faire sur les dispositifs Santé Psy Etudiants et Psy Enfant Ado. « Toute la population en a besoin. Je le vois dans ma pratique en tant que libéral : on va payer les effets du Covid-19 pendant plusieurs années. » Pour lui, si ce nouveau système est perfectible, il a avant tout « le mérite d’exister. Avant, il n’y avait rien. »

Pour financer cette mesure, une enveloppe de 50 millions d’euros est prévue pour l’année 2022, ce qui correspond à la prise en charge de 200 000 patients. Contacté, le cabinet du ministre de la santé, Olivier Véran, précise toutefois que ce budget est indicatif.


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