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samedi 3 juillet 2021

Phénomène «Pop it», le jeu des décoincés de la bulle

par Juliette Delage   publié le 3 juillet 2021

Difficile de définir l’intérêt exact de cette petite plaque de silicone recouverte de bulles à «éclater» à l’infini. Mais par la grâce des réseaux sociaux, ce nouveau jouet fait fureur chez les enfants, depuis les cours de récré jusqu’aux cabinets d’orthophonistes qui l’ont transformé en outil de travail.

Tous les jours le même manège. A 16h30, les cloches des écoles du quartier Pernety, dans le XIVe arrondissement de Paris, résonnent. Et instantanément, voilà que des grappes de mioches se ruent dans les petits bazars, ces épiceries où l’on trouve de tout. «Depuis un peu plus d’une semaine ça ne loupe jamais !» badine un vendeur de la rue Raymond-Losserand. Les minutes de frime dans la cour de récré sont comptées : tous les moins de 12 ans veulent un «pop it» (aussi appelé «Go Pop !» ou «Bubble pop») avant le début des vacances d’été. «Un quoi ?!» s’égosillent les parents, circonspects face à cette requête inopinée.

Pour les non-initiés, un pop it, c’est une plaque de silicone couverte de petites bulles sur lesquelles appuyer et «faire poper» à l’infini. Une sorte de papier bulle réutilisable qui réconfortera ceux qui peinent encore à accepter la mise au ban de ce plaisir écologiquement coupable. Leurs formes variées et leurs couleurs criardes aidant, les vidéos de pop it en action déferlent sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok. Si bien qu’en quelques mois, la babiole bon marché – vendu entre 1 et 5 euros en moyenne – est devenue un «hit», renvoyant le hand spinner dans le placard des gadgets oubliés. Sur YouTube, les vidéos autour de cette babiole cumulent des dizaines, voire des centaines de milliers de vues.






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«Un phénomène» grâce aux réseaux sociaux

Dans leur jargon, les vendeurs spécialisés appellent ce type d’objet«jouet d’impulsion». «C’est un produit à petit prix avec une fonctionnalité très simple, très ludique devenu un phénomène auprès des enfants grâce aux vidéos sur les réseaux sociaux», résume à Libération Franck Mathais, porte-parole de JouéClub. La franchise sait anticiper ce type de demande mais reconnaît avoir vite été dépassée : «Le succès a été fulgurant, on a écoulé 30 000 pièces en trois mois, ce qui est considérable. Sur le marché français il s’en est vendu facilement dix fois plus.» L’éditeur leader pop it, n’est pas resté seul très longtemps et des produits équivalents sont vites arrivés sous d’autres marques. Malgré cela les distributeurs ont dû faire face à «des ruptures de stock nationales, dans le courant du mois de juin», selon Franck Mathais. Des attentes qui n’ont fait que renforcer la convoitise autour de l’objet, devenu presque aussi rare qu’une PS5 ou qu’un électeur aux régionales.

Eliot, 5 ans, a déjà convaincu ses parents de lui en offrir quatre. «Un dinosaure, une manette de jeu vidéo, un cœur, un personnage du jeu Among Us…», énumère-t-il d’une traite. Avec entrain, il explique : «Ça m’amuse, et puis c’est trop agréable au doigt.» Melvil, 9 ans, a acheté le sien il y a une semaine, avec ses propres économies. «Je l’ai découvert sur YouTube et puis j’ai vu des copains qui en avaient à l’école, ça m’a donné envie», raconte le jeune Breton. Il a choisi un rond jaune, simple et efficace. Lui le sort surtout quand il n’a «rien à faire». Il «adore éclater les bulles», dit que ça le «déstresse». Avec ses amis, ils inventent des jeux, s’inspirent de règles glanées sur Internet. Par exemple, à tour de rôle, les enfants peuvent appuyer sur une à trois bulles. Le joueur qui appuie sur la dernière bulle perd la partie. De son côté, Leah, 7 ans, aime surtout «faire la course» avec d’autres heureux propriétaires de pop it, le but étant d’éclater le plus vite possible toutes ses bulles. «Il faut encore que je m’entraîne», confesse-t-elle à voix basse.

«Ludique et sensoriel»

Les enfants ne sont pas les seuls à avoir été conquis. Les pop it s’immiscent aussi dans les cabinets d’orthophonie. «Quand j’ai commencé à les utiliser en avril, mes patients ne connaissaient pas encore, ils étaient fascinés», raconte Sarah, une orthophoniste qui partage son quotidien de travail et distille des conseils sur Instagram. Ce qui n’était qu’un simple gadget est devenu pour elle un outil précieux, notamment dans la prise en charge du bégaiement. «On utilise une technique comportementale qui s’appuie sur le renforcement positif. Dès que l’enfant réussit à avoir une parole fluide, il appuie sur une bulle. C’est rigolo et ça porte ses fruits !» Elle pourrait aussi utiliser «des gommettes» mais l’aspect «ludique et sensoriel» du jeu rend forcément l’exercice plus attrayant. La praticienne a trouvé «plein d’autres utilisations possibles»,notamment pour aider les patients qui en ont besoin à «prendre conscience des syllabes», en «touchant une bulle en syllabant des mots, des phrases».

Depuis qu’elle a des pop it dans son placard, Sarah s’étonne du nombre d’enfants qui connaissent le mot «satisfaisant», jargon tout droit sorti des réseaux sociaux et de la mode des vidéos de gestes très visuels et hypnotiques. Mais attention, l’été approche, met en garde Franck Mathais de Jouéclub. «Ce type de tendance peut retomber du jour au lendemain. Impossible de savoir si le pop it survivra jusqu’à la rentrée».


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