par Virginie Ballet publié le 29 juin 2021 à 19h09
Deux ans de labeur, d’atermoiement, de reculs. De frilosité et d’interminables débats parlementaires (pas moins de 468 heures), mais c’est enfin fait : les députés ont définitivement adopté ce mardi le projet de loi de bioéthique, qui ouvre l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, lesbiennes et célibataires comprises, 326 votes pour et 115 contre. Qu’importe si pour les partisans de longue date de cette mesure, ce vote était un «accouchement dans la douleur», de ceux qui teintent la victoire d’un sentiment amer. Le gouvernement et la majorité, eux, veulent retenir «un moment d’histoire». C’est en tout cas ce qu’a salué Adrien Taquet, en guise de propos liminaire à l’examen du texte ce mardi dans l’Hémicycle.
«Je ne puis cacher mon émotion de me tenir devant vous pour prononcer ces quelques mots et saluer le travail accompli, un travail collectif de l’ensemble des membres de l’Assemblée», a salué le secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux familles, préférant à l’image de l’accouchement dans la douleur celle de «très grands et très beaux moments de démocratie», au cours desquels chacun «a pu partager ses positions, au-delà des clivages traditionnels». Coralie Dubost, députée LREM et co-rapporteure du projet de loi bioéthique à l’Assemblée, a quant à elle salué un «texte qui, plus haut que tout, place la volonté des hommes sur la pesanteur du destin.» «C’est cela qui compte, le projet plutôt que le donné, l’amour, plutôt que le fatum», a-t-elle lentement déclamé.
Ces envolées n’auront pour autant pas empêché les opposants à la mesure, mus par l’énergie du désespoir, d’effectuer un énième baroud d’honneur en exhumant leurs vieilles rengaines catho-réacs. En vain. Ainsi, la députée de l’Hérault Emmanuelle Ménard (non inscrite, proche de l’extrême droite), a tenté de faire voter une nouvelle fois une motion de rejet préalable, qui n’a pas été adoptée. L’élue a dit aux députés vouloir «tenter de vous faire entendre raison jusqu’au bout de ce processus parlementaire, sur un texte qui vous positionne au seuil d’un véritable équinoxe moral». La députée de l’Oise Agnès Thill, ex-LREM exclue du parti pour ses multiples prises de position homophobes, désormais membre du groupe UDI et indépendants, a quant à elle puisé dans le récent scrutin des régionales pour recycler son refrain favori sur la «PMA sans père», lançant à l’exécutif : «Quelle légitimité avez-vous, avec de tels résultats électoraux, pour être responsables de la venue au monde d’enfants qui n’auront jamais de père à cause de vous ?» «Avec ce texte, les droits fondamentaux de la personne et la protection de l’être humain diminuent», s’est aussi emporté Patrick Hetzel, député LR du Bas-Rhin.
Une «victoire au goût amer»
Tout en saluant une loi qui constitue une «avancée majeure pour les droits des femmes», le député LFI de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud, a fustigé une «victoire au goût amer. Amer, à cause de tout ce temps perdu, de toutes ces familles qui ont attendu en vain, de tous ces espoirs déçus, de tous ces enfants si ardemment désirés, qui n’ont pu voir le jour», a-t-il dénoncé. Et de pointer du doigt des «débats interminables qui ont laissé prospérer l’homophobie». «Nous allons voter cette loi, même si nous savons bien qu’elle est hypocrite et discriminante», a-t-il dit, précisant : «Nous la voterons comme une étape qui en appelle d’autres sur le chemin de l’égalité.» Même frustration chez Jean-Michel Clément, député libertés et territoires de la Vienne, qui a pointé un «goût d’inachevé» dans ce texte, faisant notamment référence à la possibilité d’avoir recours à la PMA post-mortem, qui a été écartée.
«Un jour historique»
En matière de filiation, le projet de loi de bioéthique prévoit qu’elle soit établie via une reconnaissance anticipée de parentalité devant notaire. Concrètement, désormais, les deux femmes ayant un projet parental conjoint seront reconnues comme mères à égalité, après s’être rendues chez le notaire avant la naissance de l’enfant. «L’expression d’une simple volonté ne peut être suffisante pour établir une filiation. Ce débat juridique sera, à n’en pas douter, tranché par le juge constitutionnel», a estimé Valérie Six, élue du Nord, pour le groupe UDI et indépendants.
Outre l’accès à la PMA pour toutes, le texte prévoit aussi un changement majeur : la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes. Ainsi, désormais, toute personne née d’un don pourra, si elle le souhaite, accéder à l’identité de son donneur à sa majorité, ou à des informations non identifiantes telles que l’âge ou l’apparence physique. «La loi vient répondre aux attentes trop longtemps ignorées des enfants nés de l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur», a déclaré le secrétaire d’Etat à l’Enfance, Adrien Taquet. Nombre de militants de longue date pour la PMA pour toutes se sont empressés de dire leur joie, à l’image de l’avocate Caroline Mécary, fervente défenseure de l’égalité, qui a salué via Twitter une «victoire de l’égalité des droits». «Un jour historique en France pour le droit de toutes les femmes», s’est également félicité l’association des familles homoparentales.
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