Publié le 6 novembre 2020
QUEBEC
La lettre s’adresse au premier ministre du Québec et père de famille, François Legault
Bonjour, M. Legault, Vous avez 63 ans et je crois que vous avez deux fils. J’ai 62 ans et j’ai un fils de 29 ans. Le mien a un problème de santé mentale. La dernière fois que l’ai vu, c’était le 21 juin dernier. Il avait un couteau dans les mains et il menaçait deux policiers qui le tenaient en joue en face de chez moi. On criait tous les trois pour qu’il lâche son couteau. Heureusement, c’est ce qu’il a fait, sinon ils allaient tirer sur lui.
Il était en crise. Il s’est retrouvé en prison. La psy n’a pas trouvé bon de l’hospitaliser. Aucune place nulle part, de toute façon. Ça fait cinq ans que ça dure : on alterne séjours en psychiatrie, maison de thérapies de courtes durées, Auberivière, itinérance ou séjours chez moi. Quand ça va trop mal, c’est l’urgence psychiatrique, mais les séjours sont très courts : 2-3 jours, au plus une semaine… Ensuite ? « Va jouer dehors. » Parce qu’il n’y a pas de place dans les rares maisons ou les rares logements sociaux avec encadrement d’intervenants. Alors souvent, c’est chez moi qu’il aboutit. Mais je ne suis pas psy ni intervenant social, rien de tout cela. Je fais mon possible, mais c’est un cas lourd dans tous les sens du terme.
Ça fait cinq ans que je cogne aux portes pour essayer de trouver un endroit, une ressource où il serait bien, avec une structure, un encadrement pour s’assurer qu’il prend sa médication, qu’il va à ses rendez-vous médicaux, qu’il ne consomme pas, sans résultat.
Aucune ressource n’est disponible. De quelles ressources la ministre Geneviève Guilbault parle-t-elle au juste quand elle dit que « les ressources sont là » ? Je cherche toujours. SVP, pourriez-vous lui demander de m’indiquer ?
La pointe de l’iceberg
Carl a tué Suzanne et François et il en a blessé d’autres, c’est d’une tristesse inouïe. Tout à l’heure, je suis allé me recueillir à l’endroit où Suzanne est morte. Les médias étaient encore là. Le sujet de l’heure. Mais en réalité, le vrai scoop est que ce n’est que la pointe de l’iceberg. Chaque année, l’équivalent de deux Boeing 747 remplis de Carl atteints de maladie mentale s’écrasent au Québec. Trois par jour. Mais les médias et les politiciens n’en parlent pas, ou très peu. Beaucoup, beaucoup de jeunes comme Carl se suicident ou disjonctent complètement. Parfois, dans leur délire, ils emmènent des gens avec eux. Dans ce cas-ci, Suzanne et François. Une pure malchance.
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