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jeudi 5 novembre 2020

En Suède, « tolérance zéro » contre le harcèlement scolaire

Le royaume scandinave est souvent donné en exemple à l’étranger. Chaque école y a l’obligation de mettre en place un plan de prévention et de réagir à la moindre violence physique ou verbale entre les élèves.

Par  Publié le 5 novembre 2020

A Bastad, cité balnéaire du sud-ouest de la Suède, l’école publique Strandängsskolan accueille 570 élèves, de la classe préparatoire au collège. En moyenne, cinq à six enquêtes y sont ouvertes, tous les ans, pour des cas de harcèlement. Chaque fois, le directeur de l’école, John Brogard, doit en informer la direction des affaires scolaires de la commune, responsable au regard de la loi et susceptible d’être condamnée à une lourde amende si les violences se poursuivent.

Ici, comme partout dans le royaume scandinave, le principe de la « tolérance zéro » s’applique. « L’instruction étant obligatoire jusqu’à 16 ans en Suède, les écoles ont le devoir de garantir aux élèves un environnement sûr et sans violence », résume Marten Petersson, médiateur des enfants et des élèves (BEO), depuis le 2 novembre.

A Strandängsskolan, les enseignants se sont inspirés de la « méthode Farsta », mise au point dans la commune du même nom, dans les années 1980. Au moindre incident, le professeur principal de la classe rencontre individuellement les élèves impliqués. « Nous partons du point de vue de la victime », précise Kristian Kjellström, professeur de suédois et un des deux responsables « AMOR » (« anti-mobbning och rasism » – anti-harcèlement et racisme), qui coordonnent la lutte contre le harcèlement.

« Comportement offensant »

Pour les enseignants, pas question d’attendre que l’incident se répète. « La législation suédoise est une des plus strictes au monde », juge Frida Warg, experte auprès de l’ONG Friends, spécialisée dans la lutte contre le harcèlement scolaire. « La loi, entrée en vigueur en 2011, ne parle pas de harcèlement, mais de comportement offensant, précise-t-elle. Il suffit d’un geste ou d’une insulte, même s’il ne se produit qu’une fois, pour que les enseignants aient l’obligation de réagir. »

A Strandängsskolan, si les violences se poursuivent après l’intervention du professeur principal, deux de ses collègues, spécialement formés, prennent le relais, « ce qui lui permet de se concentrer sur ses cours », explique Kristian Kjellström. Une enquête est alors ouverte, pendant laquelle les enseignants rencontrent régulièrement les élèves. Les parents et le directeur sont informés, de même que les services des affaires scolaires à la mairie. La durée de l’enquête varie, en fonction de la gravité du cas. Elle peut s’accompagner d’une suspension temporaire et même du transfert de l’élève responsable.

« Dès la rentrée, les élèves sont informés du règlement et connaissent les différentes étapes dans la lutte contre le harcèlement », note Laila Jeppesen Nilsson. Professeure de maths, physique et chimie, elle fait partie de l’équipe de cinq enseignants chargée de la prévention. Car guérir les symptômes ne suffit pas, encore faut-il les prévenir : « L’un ne va pas sans l’autre », assure Mme Jeppesen Nilsson.

Depuis 2011, chaque école en Suède doit adopter un plan, qui décrit dans le détail les mesures prises pour empêcher le harcèlement. Laila Jeppesen Nilsson et ses collègues l’actualisent régulièrement. Ensemble, ils préparent aussi du matériel pédagogique, pour savoir comment réagir : « Par exemple, si un élève annonce qu’il est bisexuel et que l’enseignant sent des tensions dans sa classe. »

« Nous ne fermons plus les yeux »

Au regard de la loi, ce ne sont ni les professeurs, ni les directeurs qui sont responsables, mais les municipalités, pour les écoles publiques, et les conseils d’administration des établissements privés. Au premier semestre 2020, le bureau du BEO a reçu 867 plaintes, dont 66 % portaient sur le « comportement offensant » d’un élève à l’égard d’un autre. Sur la même période, le BEO a constaté que les écoles n’avaient pas respecté la loi dans 387 cas (rapportés depuis 2018), et réclamé des dommages et intérêts à sept d’entre elles.

A Bastad, le directeur de Strandängsskolan, John Brogard, avoue la difficulté : « Ce n’est pas toujours facile de savoir ce qui constitue une offense et comment y mettre fin. Il y a toujours eu des conflits entre les enfants. Mais nous ne fermons plus les yeux, même quand cela a lieu sur les réseaux sociaux. » Pour Laila Jeppesen Nilsson, l’essentiel est de se rappeler que « rien n’est jamais acquis » et qu’il faut « travailler constamment pour éviter le harcèlement ».

Dès leur entrée à la crèche, les petits Suédois passent ainsi l’essentiel de leur journée à s’entraîner à être de « bons copains ». Et pourtant, chaque année, 60 000 jeunes disent être victimes de harcèlement, rappelle Frida Warg, de l’ONG Friends. Elle s’étonne, au passage, de l’engouement en France pour la méthode dite de « préoccupation partagée », développée par le professeur de psychologie Anatol Pikas, « assez ancienne et peu utilisée en Suède ».

Selon elle, il n’y a pas de « recette miracle », mais des facteurs qui atténuent les risques : « Les établissements où les élèves ont une certaine influence dans la vie de l’école et une relation de confiance avec leurs enseignants ont de meilleurs résultats. » Frida Warg souligne aussi l’importance d’impliquer tous les adultes car, finalement, « ce sont eux qui sont responsables ».



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