Serge Cannasse 7 septembre 2020
Dans un travail précédent, des chercheurs du Centre d’Epidémiologie Clinique de l’Hôtel-Dieu (AP-HP, Paris) avaient demandé à 1.636 patients adultes atteints de maladie chronique et membres de la cohorte ComPaRe (Communauté de Patients pour la Recherche, organisée par l’AP-HP) de répondre à la question « Si vous aviez une baguette magique, qu’est-ce que vous changeriez dans vos soins ? » Il en était résulté 147 « axes d’amélioration. » Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue BMJ Quality and Safety , les chercheurs ont demandé à un panel de 3.002 patients de hiérarchiser ces propositions, classées en trois catégories : consultations, organisation des hôpitaux, système de santé. Puis ils ont interrogé trois groupes de professionnels pour évaluer leur difficulté de réalisation sur une échelle de 0 (très facile) à 9 (très difficile) : professionnels de santé, directeurs d’hôpitaux, responsables politiques (députés et sénateurs impliqués dans les questions de santé).
En ce qui concerne les consultations, les deux priorités des patients étaient la gestion de la douleur et le respect des praticiens à leur égard, en particulier le fait de les écouter. Pour l’organisation hospitalière, ils souhaitaient que la coordination entre professionnels soit améliorée et notamment que consultations et examens soient regroupés le même jour, ainsi que favoriser un accès privilégié des patients chroniques aux urgences. Enfin, le système de santé devrait selon eux former les étudiants à la relation médecin-patient et fournir un répertoire des praticiens disposant de compétences spécifiques dans des domaines spécialisés.
Un résultat surprenant de cette étude est que les professionnels interrogés pensaient que la plupart des propositions prioritaires des patients sont relativement faciles à mettre en œuvre : c’est vrai pour les 6 sélectionnées prioritairement par 48% des patients et pour les 15 sélectionnées prioritairement par 87% des patients..
Les auteurs de ce travail lui reconnaissent plusieurs limites. La sélection des patients étant faite sur le volontariat, elle n’est pas totalement représentative de la population générale des malades chroniques (avec notamment 84% de femmes et un âge moyen de 43 ans), bien que tous les âges et milieux socio-professionnels soient représentés. Les avis des professionnels sont avant tout subjectifs, sans critère bien défini. La catégorie « patients atteints de maladie chronique » est large, pouvant gommer les spécificités de certains sous-groupes.
Mais les chercheurs plaident pour que leur méthode soit répétée dans d’autres structures que celles de l’AP-HP, avec un argument très simple et très fort : la plupart des réformes proposées par les experts se font sans véritable consultation des patients. Or, interrogés, ceux-ci font des propositions pragmatiques susceptibles d’améliorer leur démarche de soins et surtout assez faciles à réaliser pour beaucoup d’entre elles. Du moins en apparence : construire une « science citoyenne » est une « révolution » qui mettra du temps avant d’être acceptée par les acteurs de santé. En attendant, il est vivement conseillé de lire cette étude, ici trop rapidement résumée : elle apporte de nombreux enseignements.
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