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vendredi 11 septembre 2020

La #tradwife, bobonne épouse

Par Simon Blin — 
«Essayer d’être un homme est un gaspillage d’une femme», l'un des slogans des «tradwives» sur les réseaux sociaux.
«Essayer d’être un homme est un gaspillage d’une femme», l'un des slogans des «tradwives» sur les réseaux sociaux. Getty Images/iStockphoto

Depuis quelques mois, sur les réseaux sociaux, des Britanniques et des Américaines vantent les valeurs traditionnelles de la femme au foyer consacrée dans les années 50. Un strict retour à une assignation genrée des rôles.

C’est une drôle de petite communauté numérique à l’esthétique vieillotte qui fleurit sur les réseaux sociaux. ­Depuis des mois, des mamans au brushing impeccable, vêtues d’une robe à carreaux et d’un tablier de cuisine mettent en scène leurs ­tâches domestiques quotidiennes. Non pas pour dénoncer la charge mentale qui rythmerait leurs journées harassantes. Au contraire, à lire les slogans qui accompagnent ces clichés postés sur Instagram et Twitter –  «La place d’une femme est à la maison», «Essayer d’être un homme est un gaspillage d’une femme» ou «Nous avons choisi la planche à repasser plutôt que la salle de réunion»  –, il s’agit, ici, de vanter les mérites de la femme au foyer. Celle des années 50, plus précisément : la «tradwife», pour «traditional wife» («épouse traditionnelle»).
Regroupées sous le hashtag du même nom, #Tradwife, ces Britanniques et Américaines ont décidé de se consacrer au repassage, au ménage et aux courses pour leur plus grand plaisir. Sorte de remake 2.0 du «Guide de la bonne épouse» (The Good Wife’s Guide) paru dans le magazine américain Housekeeping Monthly en 1955 et qui prescrit les bons compor­te­ments de la ménagère dévouée à son mari. Par exemple, ranger la maison avant le retour de son époux ou éviter de l’embêter avec ses problèmes personnels. Leur autre référence majeure est le livre Fasci­nating Womanhood de Helen Andelin. ­Publié en 1963, ce manuel pour faire durer le mariage est devenu un best-seller des années 60, en réaction à la seconde vague féministe.

«Se soumettre à son mari comme en 1959»

La tendance «tradwife», c’est la blogueuse Alena Kate Pettitt qui en parle le mieux. Figure de proue de la nébuleuse, l’influenceuse britannique s’est fait connaître en fondant un blog, The Darling Academy, pour promouvoir les «mœurs, le style de vie et les valeurs traditionnelles de la famille».
Celle qui raconte avoir été mal à l’aise en grandissant dans les ­années 90, à l’ère de l’empowerment féminin et des Spice Girls, propose de réapprendre à se «soumettre et à ­gâter son mari comme en 1959». Alena Kate Pettitt, 34 ans, qui vit dans le Gloucestershire dans le sud-ouest de l’Angleterre avec son mari et son enfant, affirme ne pas se considérer comme antiféministe car, ­selon elle, être féministe, c’est avoir le «choix» de ne pas travailler et de «faire passer sa famille en premier».
Ces néotradis prônent pourtant un retour strict à une assignation ­genrée des rôles. Mais, selon Alena Kate Pettitt, le mouvement ­ex­ploite le meilleur de ce qu’a été la Grande-Bretagne dans son histoire. «Les temps changent et nous ne connaissons plus l’identité de notre pays», s’inquiète-t-elle. La mystique rétro va tellement loin que les «tradwives» les plus extrêmes éprouvent même une certaine nostalgie pour la vie du «front de l’intérieur» («Home front life»), quand les femmes au foyer contribuèrent à l’effort de guerre depuis l’arrière en cuisinant des recettes de rationnement. La version trash du «C’était mieux avant  !»


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