Depuis la rentrée, des enseignants de primaire portant des masques en tissu ont été considérés comme « contacts à risque » dans des enquêtes de traçage. Le ministère assure pourtant que les protections qu’il a distribuées sont efficaces.
Au début, c’était une simple observation, partagée entre enseignants d’écoles maternelles et élémentaires. Une petite bizarrerie. « On s’est rendu compte que l’ARS [agence régionale de santé] mettait en quatorzaine les enseignants qui avaient porté des masques en tissu, et pas les autres », rapporte Johanna Cornou, représentante du personnel au SE-UNSA et directrice d’école au Havre (Seine-Maritime).
« Dans mon école, l’ARS a fermé la classe d’un enfant Covid+ et mis l’enseignant en quatorzaine, mais pas les animateurs, rapporte une directrice francilienne qui souhaite garder l’anonymat. Quand j’ai demandé pourquoi, on m’a dit que les animateurs n’étaient pas cas contact, parce qu’ils portaient des masques chirurgicaux. »
Pour beaucoup d’enseignants, il s’agit là d’une « incohérence ». « Les bras m’en sont tombés, dit une directrice d’école du 20e arrondissement de Paris. C’est l’éducation nationale qui nous a fourni ces masques, et on apprend via les ARS qu’ils ne nous protègent pas ! »
En tant qu’employeur des enseignants, le ministère a en effet fourni un lot de masques en tissu – dits « grand public » – à chaque personnel à la rentrée. « Il appartient aux collectivités territoriales de procéder à l’équipement des personnels relevant de leur périmètre », précise le site de l’éducation nationale.
Si l’on s’en tient à la définition des contacts à risque disponible sur le site de l’agence de sécurité sanitaire Santé publique France (SpF) en date du 7 mai, les masques en tissu offrent une protection insuffisante face à des personnes non masquées, donc dans le premier degré. Pour que la protection soit suffisante contre le virus, les deux personnes – le cas infecté et le cas contact – doivent porter un masque grand public en tissu, ou bien l’une des deux doit porter un masque chirurgical. Or, les enfants de moins de 11 ans ne sont pas masqués : donc, si un cas est positif, son enseignant est considéré comme un contact à risque, s’il porte un simple masque en tissu. Et inversement.
« On ne fait qu’appliquer les directives »
Dans un e-mail de l’ARS de Bretagne que Le Monde a pu consulter, il est précisé que « le port des masques en tissu par les adultes est une protection insuffisante envers les enfants », puisqu’ils ne sont pas eux-mêmes masqués. « Les enseignants seront considérés comme contacts à risque si un enfant de leur classe est testé positif au Covid-19 ; l’ensemble des enfants d’une classe sera considéré comme contact à risque si un enseignant est testé positif au Covid-19. » Cette ARS préconise ainsi aux écoles « de doter leurs personnels de masques chirurgicaux ». « On ne fait qu’appliquer les directives nationales, éditées par SpF », précise au Monde l’ARS de Bretagne.
Le SNUipp, syndicat majoritaire dans le premier degré, a prévu de saisir le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ministériel, vendredi 11 septembre, de cette question. Dans un communiqué diffusé le 10 septembre, le syndicat réclame la mise à disposition immédiate de masques chirurgicaux pour les enseignants d’école primaire.
Dans un courrier adressé au ministre de l’éducation nationale, toujours le 10 septembre, le SGEN-CFDT alerte également sur les masques en tissu. « On a dit très tôt que si les enseignants n’étaient pas protégés, ils seraient mis en quatorzaine en même temps que les enfants, s’agace Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du SGEN-CFDT. On se met en situation de ne pas pouvoir faire face et de remettre en cause la qualité du service public. »
Face à la montée du mécontentement, le ministère de l’éducation nationale se veut rassurant : les masques fournis aux enseignants filtrent à 98 %, « soit l’équivalent d’un masque chirurgical », précise-t-on rue de Grenelle. « On recommande à tous les professeurs de porter ce masque-là », ajoute-t-on, avant de préciser qu’un travail de rappel sera mené, en lien avec la direction générale de la santé, pour que les masques en tissu de l’éducation nationale ne soient plus considérés par les ARS comme moins protecteurs, par opposition à « un masque que l’on fait soi-même, par exemple, qui protège moins bien ».
« Ce n’est pas ce que disent les médecins conseil des rectorats qui ont été alertés en CHSCT académique sur le sujet, réagit Catherine Nave-Bekhti, ni ce que les ARS ont dit aux agents. On nous dit clairement que les masques de type éducation nationale, bien que de bonne qualité, ne sont pas suffisamment protecteurs si l’élève n’en porte pas. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire