LA PSYCHANALYSE, NI ANGE NI DÉMON
Chawki Azouri | OLJ
12/09/2019
S’il fallait redonner à la psychiatrie son statut scientifique, remis en cause et malmené par les années soixante, il fallait faire du DSM IV (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) un outil diagnostic et statistique épuré de toute théorie. Mais comme la contestation de la psychiatrie est l’œuvre d’une époque et de la culture qu’elle a produit, les années 60, il fallait aussi démystifier l’époque elle-même. Comme les années 60, c’est aussi la lutte pour la liberté sexuelle, la libération des femmes, la légalisation de l’avortement et de l’homosexualité, il fallait bien détruire tout cela. Le DSM ne suffirait pas. Il fallait induire un changement de mentalité : une contre-révolution allait se mettre en place dans les années 1980.Dans le New York Times Magazine (Courrier International, janvier/février 99), Andrew Sullivan nous montre que les croyances et les pratiques des années 60 sont la cible d’une « contre-révolution menée par la droite chrétienne américaine au nom du conservatisme et du puritanisme moral ». Andrew Sullivan fait une étude approfondie de cette contre-révolution qui traque l’infidélité, l’avortement et l’homosexualité qui menacent la cohésion familiale. L’affaire Monica Lewinsky fut une occasion rêvée de partir en guerre contre Bill Clinton, considéré comme un enfant des années 60.
Un autre idéologue de cette nouvelle droite, William Kristol, écrit en septembre 98 à propos de Bill Clinton : « 1968, une génération révoltée depuis 30 ans. » Si l’affaire Monica Lewinsky a donné aux acteurs de cette contre-révolution de droite l’occasion de partir en guerre contre l’infidélité conjugale de Bill Clinton pour montrer que le crime était beaucoup plus le comportement immoral que le parjure du président, les idéologues de cette contre-révolution n’ont pas attendu cette affaire pour partir en croisade contre l’homosexualité, un autre de leurs chevaux de bataille.
Enfin, le dernier cheval de bataille de cette contre-révolution de droite est la lutte contre l’avortement. Toujours dans le Weekly Standard, William Kristol harangue les conservateurs républicains pour qu’ils annulent le jugement de la Cour suprême dans l’affaire Roe, jugement qui a légalisé l’avortement aux États-Unis : « Si les républicains sont incapables de relever ce défi moral et politique, s’ils ne peuvent annuler ce verdict et engager les États-Unis dans une ère postavortement, il n’y aura plus d’avenir conservateur. » William Kristol va même jusqu’à pousser les républicains à continuer leur opposition au paiement par les États-Unis de leurs arriérés à l’ONU, car « l’ONU soutient les programmes de contrôle des naissances dans les pays en voie de développement ».
Ce changement de mentalités voulu par la contre-révolution de la droite américaine est allé très loin. Au Dakota du Sud la loi, baptisée « House Bill 1171 », permet, en théorie, à « un père, une mère, un fils, une fille ou un mari de tuer quiconque tente de pratiquer un avortement sur une femme, même si elle est consentante ». Les gynécologues sont ainsi désignés comme des gibiers à assassiner. Ce projet de loi date de 2011. Mais, aujourd’hui, élection de Donald Trump oblige, la lutte contre l’avortement reprend de plus belle.
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