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mardi 10 septembre 2019

La commission bioéthique examine la PMA pour toutes, la Manif pour tous s'enflamme sur la GPA

Par Catherine Mallaval — 
Rassemblement en faveur de la PMA pour toutes à Paris, en septembre 2018.

Rassemblement en faveur de la PMA pour toutes à Paris, en septembre 2018. Photo Stéphane Lagoutte. Myop

La loi de bioéthique est désormais sous la loupe de la commission spéciale de l'Assemblée. L'annonce, le même jour, de la préparation d'une circulaire sur la reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA, sans rapport avec le projet de loi, a fait bondir la Manif pour tous.

Top départ pour la PMA pour toutes, avec en musique de fond l’annonce impromptue d’une circulaire destinée à faciliter la reconnaissance de la filiation des enfants nés d’une gestation pour autrui (GPA) à l’étranger. Serait-ce le mardi du grand bond en avant ? On se calme.

«Déclaration commune anticipée»

On commence par la PMA pour toutes. A 16 heures pétantes, la commission spéciale de l’Assemblée nationale, présidée par Agnès Firmin-Le Bodo (UDI et indépendants, parti Agir), entamera l’examen des 32 articles du projet de loi bioéthique (avec la PMA en guest star) déjà copieusement assailli d’amendements : plus de 2 000, émanant pour près de la moitié du groupe LR. In extremis, lundi soir, le texte qui déboulera le 24 à l’Assemblée en première lecture a fait l’objet d’une retouche par la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, sur l’épineuse question de l’établissement de la filiation des enfants de lesbiennes nés par PMA.
La version initiale du texte prévoyait qu’avant de faire une PMA avec don de sperme, les couples de lesbiennes devaient signer une «déclaration commune anticipée» devant notaire, à transmettre à l’officier d’état civil après la naissance pour établir que les deux femmes (celle qui a porté et sa compagne) sont les mères. Et ce, avec à l’arrivée, la mention sur l’acte intégral de naissance l’enfant la mention «né d’un don». Ce qui n’est pas le cas pour les couples hétérosexuels ayant bénéficié de la même technique. De quoi irriter profondément, au nom de l’égalité, une large partie de la communauté LGBT qui a réussi à se faire entendre.
Dans la nouvelle mouture du texte, cette «déclaration commune anticipée» serait remplacée par la reconnaissance anticipée de l’enfant à naître, toujours devant notaire. Dans l’acte intégral de naissance, il sera du coup simplement «mentionné que les deux mères ont reconnu l’enfant à telle date, devant notaire, rien de plus […], il n’y aura aucune mention de la PMA», a assuré Nicole Belloubet. Ce mécanisme, déjà en vigueur pour les couples hétérosexuels non mariés, s’appliquerait donc aux lesbiennes, mariées ou non. La reconnaissance de l’enfant n’est pas nécessaire pour les couples hétérosexuels mariés, où l’homme est automatique considéré comme le père en vertu de la présomption de paternité.
En outre, de façon plus symbolique (mais cela compte), Nicole Belloubet a déclaré que la filiation des enfants de couples de lesbiennes nés par PMA ferait partie du même article du code civil que celle des enfants d’hétérosexuels nés de la même façon. Le texte initial prévoyait la création d’un article spécifique. Cela «a pu laisser craindre que nous entendions enfermer les couples lesbiens dans un cadre juridique à part. Telle n’est pas l’intention du gouvernement», a insisté la ministre. «Nous nous réjouissons de l’abandon d’un régime de filiation spécifique aux couples de femmes. Le projet de loi relatif à la bioéthique vise à corriger vingt-cinq ans d’une inégalité et doit donc veiller à ne pas en créer de nouvelles», a très vite réagi SOS Homophobie. Dont acte.

Disque rayé de la Manif pour tous

Mais alors que la commission spéciale attaque ses travaux, la nouvelle d’une circulaire facilitant la reconnaissance par l’état civil français des enfants nés d’une GPA à l’étranger a fait irruption, révélée par Franceinfo. De quoi semer le trouble. Et d’emblée une forme d’hystérisation, dès que l’acronyme est prononcé. L’information n’était pas confirmée et précisée que déjà la Manif pour tous s’indignait dans un communiqué : «Malgré des promesses, la main sur le cœur, pour jurer que jamais la GPA ne serait légalisée en France, le gouvernement se préparerait à faire l’inverse. Selon une information de Franceinfo, une circulaire devrait prochainement permettre la transcription automatique à l’état civil des enfants nés d’une GPA à l’étranger. Concrètement, la GPA serait donc autorisée pour les Français, à la simple condition qu’elle soit réalisée à l’étranger. Cette position serait donc l’acceptation pure et simple d’une pratique d’exploitation du corps des femmes et de marchandisation des enfants et de l’humain.» 
Le discours est rodé comme un disque rayé. Mais concrètement qu’a prévu le gouvernement ? D’abord une précision : la GPA ne figure pas dans le projet de loi bioéthique. Cette pratique est interdite, et le gouvernement a maintes fois assuré – et il vient à nouveau de le proclamer – qu’il n’était pas question de lever cette prohibition. Pour autant, il a l’ambition de clarifier «l’état du droit» pour les enfants nés à l’étranger d’une GPA, dans une circulaire qui tiendra compte d’une importante décision à venir de la Cour de cassation. «Nous préparons une circulaire pour repréciser l’état du droit pour les enfants nés à l’étranger d’une GPA et fluidifier les démarches des parents. Nous sommes suspendus pour cela à une décision de la Cour de cassation, qui avait elle-même saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH)», a indiqué mardi la Chancellerie.
Actuellement, pour faire simple, seul l’homme est considéré comme le père de l’enfant né d’une GPA car donneur du sperme. La mère ou l’autre père doit adopter (on parle de mère d’intention ou de père d’intention) l’enfant, au cours d’une longue procédure qui peut se révéler chaotique.

Le cas Mennesson, emblématique

Les dix-neuf ans de combat des emblématiques époux Mennesson (Sylvie et Dominique) en sont l’illustration. Depuis l’an 2000, le couple se démène pour tenter d’obtenir que Sylvie Mennesson ait le statut légal de mère d’intention, celle qui désire et élève l’enfant, de leurs jumelles Valentina et Fiorella, nées d’une GPA en Californie. Ils ont porté leur affaire devant la Cour de cassation, qui a elle-même saisi pour avis la CEDH. C’est ainsi qu’en avril, ladite CEDH avait ouvert la voie à ce statut de mère d’intention qui établit une filiation plus immédiate que l’adoption tout en laissant aux Etats la liberté de choisir les moyens de cette reconnaissance. Cette reconnaissance pouvant se faire par exemple par transcription sur les registres de l’état civil de l’acte légalement établi à l’étranger, comme le souhaitent les Mennesson ou via «l’adoption de l’enfant par la mère d’intention», ce que propose déjà la loi française. A la Cour de cassation désormais de rendre sa décision. La prochaine audience de la Cour sur le cas Mennesson est fixée au 20 septembre, la décision pouvant intervenir dans les jours ou semaines suivants.
«Nous tiendrons compte de ce que dira la Cour de cassation pour écrire cette circulaire», a bien précisé le ministère de la Justice. A ce stade, tout estdonc théoriquement possible : le statu quo comme la reconnaissance pleine et entière du principe de filiation du parent d’intention, allant jusqu’à l’inscription au registre d’état civil. Ce qui est loin d’être acquis. La ministre de la Justice a d’ailleurs mis les points sur les «i» dans l’après-midi de mardi : «Tout caractère automatique de la reconnaissance d’enfants nés par GPA à l’étranger» est d’emblée exclu.

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