Une employée de la clinique Eugin manipule une cuve où sont stockés des embryons, ovocytes et des échantillons de sperme, à Barcelone, en 2016. Photo Lluis Gene. AFP
Les députés ont examiné jeudi l'article 3 de la loi de bioéthique qui permettra aux enfants de connaître l'identité de leur donneur à leur majorité. Mais qu'est-il prévu pour ceux qui sont venus au monde sous le régime de l'anonymat ?
Dossier chaud. Grand saut sociétal. Les députés se sont attaqués jusqu’à tard jeudi, en commission, à l’article 3 de la bioéthique qui consacre, pour les personnes nées de PMA (et plus précisément d’un don de sperme, ou d’ovocytes), le droit d’accéder, à leur majorité, à l’identité de leur donneur (ou donneuse). Un changement culturel. «Un droit inconditionnel, assumé au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant», a fièrement assumé la rapporteure LREM Coralie Dubost. Concrètement, il s’agit là (si la loi est votée en l’état) de permettre à tout enfant né d’un don d’avoir accès à sa majorité à des données non identifiantes (comme l’âge ou des caractéristiques physiques) sur son donneur mais aussi, s’il le souhaite à son identité. Exit donc le principe jusque-là sacro-saint de l’anonymat qui verrouillait les dons de gamètes.
Bout d’identité
Qu’on ne se méprenne pas. Il ne s’agit pas là d’inciter des futurs enfants à se chercher à 18 ans un nouveau «papa» ou une nouvelle «maman». «L’accès à l’identité n’est pas un droit à la rencontre, qui pourrait venir percuter la vie du donneur», a pris soin de souligner Coralie Dubost. «On est bien dans l’endroit où on veut positionner le donneur. Ce ne sont pas des parents de substitution, ni des pères ou des mères biologiques, ce sont des donneurs de gamètes», a complété la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Il s’agit simplement de permettre à ceux qui le désirent d’avoir accès à un bout (non négligeable) de leur identité. Voilà pour la philosophie générale, saluée par plusieurs élus comme une «avancée extraordinaire» (Martine Wonner, LREM), une réponse à un «besoin profond» chez certains enfants nés de dons (Hervé Saulignac, PS)…
Mais dans le détail ? Les discussions forcément ont duré. Plusieurs députés comme l’ex-marcheur Matthieu Orphelin ont proposé d’autoriser dès 16 ans l’accès aux origines, «comme en Allemagne, en Autriche ou aux Pays-Bas». Anne-France Brunet (LREM) aurait souhaité que tous les mineurs, avec accord de leurs parents, puissent y accéder. Laurence Vanceunebrock-Mialon (LREM) a, quant à elle, proposé en vain que les enfants issus d’un don puissent avoir des informations sur d’autres enfants issus du même donneur, tandis que Marie Tamarelle-Verhaeghe (LREM) a plaidé pour que le consentement du donneur à l’accès à son identité intervienne au moment où l’enfant majeur fait la demande, et pas au moment du don pour «mieux prendre en compte le droit à la vie privée». Raté pour elle aussi. D’autres amendements adoptés (dont plusieurs proposés par Coralie Dubost) sont en revanche venus préciser le texte.
Foudres
Il était prévu que la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du donneur, qui sera mise en place pour jouer le rôle d’interface entre donneurs et enfants souhaitant obtenir des informations, puisse examiner au cas par cas la légitimité de chaque demande : exit. Pas question de trier les demandes. En outre, il est dorénavant prévu que cette commission pourra recueillir «des propositions de changer de statut pour des donneurs plus anciens qui souhaiteraient rentrer dans la nouvelle législation» et donner leur consentement pour l’accès aux origines. Voilà qui pourrait éviter, comme cela est prévu, de détruire à terme les stocks de donneurs anonymes quand la loi sera en vigueur. Fort bien. Mais qu’est-il prévu pour les quelque 100 000 personnes nées d’un don avant ce changement de loi ? Ils sont pour l’heure les grands oubliés. Ce qui pourrait attiser les foudres de la Cour européenne des droits de l’homme.
Alors que deux associations, Origines et PMAnonyme, se sont battues sans relâche pour ce droit à l’accès aux origines, elles n’ont pas été auditionnées. «Pourquoi ne pas rappeler ceux qui ont donné et leur demander s’ils sont d’accord pour lever leur anonymat ? Pourquoi ? Au Portugal, qui a adopté peu ou prou la même loi l’an passé, tous les donneurs et donneuses ont été recontactés. Résultat : 70% des hommes et 90% des femmes ont donné leur accord», explique Arthur Kermalvezen qui a, lui, fini par retrouver son géniteur grâce à des tests ADN interdits en France (sans qu’il soit pour l’heure prévu de lever cette prohibition), mais utilisables par tous.
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