Par François Baille Le 01/05/2019
Et pourquoi moi je dois parler comme toi?, un spectacle inclassable mais si émouvant qu’accueille le Théâtre Liberté de Toulon. Dans cette pièce, la comédienne Anouk Grinberg soigne le cœur meurtri des patients enfermés dans leur mal-être. On l’écoute et on retient son souffle !
Robe noire, lunettes dans les cheveux, micro, bien en mains. Sur scène, Anouk Grinberg récite des "textes bruts" avec émotion. Elle lit à voix haute, le quotidien des malades incompris, des écorchés vifs, des rejetés de la vie, des prisonniers, des résidents d’asiles psychiatriques.
Des écrits puissants, des "chefs-d’œuvre" comme elle aime les partager avec son public. Quand la comédienne raconte, le musicien, Nicolas Repac joue. Un duo qui met en lumière un univers peu connu, parfois cocasse mais si sincère de vérité, de tendresse, d’humour et d’amour.
Qu’est-ce que la "littérature brute"?
Ce sont des textes qui ont été écrits par des auteurs qui n’étaient pas conscients de faire de l’art. Eux, ils voulaient vivre, c’est tout. La plupart d’entre eux étaient considérés comme des malades par leurs familles ou par la société, et avaient été internés.
Certains savaient pourquoi, d’autres pas! Ils vivaient tous cette situation comme une injustice totale et œuvraient à la libération de leurs esprits. Ce sont des cris d’amour, de détresse, de tendresse. Une parole humaine de grande valeur, pour nous autres qui sommes objectivement libres, mais qui sommes souvent engourdis dans nos vies, éteints dans nos désirs.
Il y a, dans tous ces textes, une tension entre le manque absolu de liberté et la liberté absolue dans l’expression. Et ça, ça crée de la joie.
Ce sont des artistes inconscients de l’être. Ils se moquent des règles du "bien écrire" et du "bien penser", pour se tenir au plus près de ce qu’ils sentent. À vrai dire, cela devrait être la définition de l’art!
Pourquoi avoir voulu mettre en lumière des lettres d’hommes et de femmes qui vivent dans l’enfermement?
Parce que j’ai de l’admiration pour leur résistance et pour leur force poétique. Ils sont émouvants, cocasses, lumineux, des lucioles. À certains endroits du globe, et à certaines époques, il suffit parfois d’être un peu trop allumés, d’avoir trop d’antennes, de sentir trop fort l’humain, pour qu’on vous enferme.
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