Un outil fait maison fabriqué à partir d'un clou utilisé pour la mutilation génitale féminine.Photo Yasuyoshi Chiba. AFP
A 18 ans, Kadiatou Konate, secrétaire générale du Club des jeunes filles leaders de Guinée, essaie de faire évoluer les mentalités dans un pays où 97% des 15-49 ans ont été excisées.
Elles sont 200 millions. 200 millions de femmes et de filles dans le monde à avoir subi une forme de mutilation génitale. Une situation une nouvelle fois dénoncée ce mercredi, journée internationale de tolérance zéro à l’égard de ces pratiques, par le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres.
Le diplomate a ainsi appelé à «une action accrue, concertée et mondiale pour mettre fin aux mutilations génitales féminines et garantir pleinement le respect des droits fondamentaux des femmes et des filles.» Selon les données de l’ONU, ces mutilations sont toujours légion dans une trentaine de pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie du Sud, avec de lourdes conséquences physiques, mais aussi psychologiques.En Guinée, deuxième pays le plus touché dans le monde (après la Somalie), près de 97% des 15-49 ans ont connu l’excision. C’est pour combattre cette situation intolérable qu’a été créé, il y a trois ans, le Club des jeunes filles leaders de Guinée, association qui lutte contre toutes les formes de violences basées sur le genre. La structure revendique aujourd’hui 200 membres et pense avoir évité une quinzaine de mariages forcés. A 18 ans, Kadiatou Konate, secrétaire générale de l’association, mise sur la pédagogie et l’entraide pour faire évoluer les mentalités.
Comment est né ce Club des jeunes filles leaders de Guinée ?
On souhaitait créer un espace de discussion pour les jeunes filles, dans lequel elles pourraient se sentir en sécurité et évoquer les maux dont nous sommes victimes. On veut promouvoir l’épanouissement des jeunes filles, en luttant contre les violences basées sur le genre, que ce soit le mariage précoce, le viol ou encore la déscolarisation des filles. En Guinée, près de 23% des filles sont mariées avant 15 ans, par exemple. Sans parler des grossesses précoces et des mutilations génitales. Alors, on est sur le terrain, pour essayer de faire évoluer les mentalités, en intervenant dans les écoles ou en faisant du porte-à-porte pour parler aux parents.
Concrètement, comment est accueillie votre action contre l’excision ?
Il n’est pas rare qu’on nous chasse, parce que l’excision demeure un sujet hypersensible dans la communauté, pour ne pas dire un tabou. Beaucoup ne veulent pas en discuter, parce que c’est une pratique ancestrale défendue par un certain nombre de parents ou de vieillards. A ceux-là, on explique les conséquences sanitaires de ce geste, et on rappelle la loi, qui n’est pas respectée. Car l’excision est interdite et passible de trois mois à deux ans de prison, assortis d’une amende de 200 millions de francs guinéens [près de 20 000 euros, ndlr].
Dans la mesure où la loi existe déjà et semble peu respectée, voire pas du tout, quels sont vos leviers d’actions ?
On croit beaucoup au pouvoir de la parole : à force d’aborder ce sujet avec la société guinéenne et dans les médias internationaux, les parents finiront peut-être par comprendre qu’il faut en finir avec l’excision. Mais surtout, on est persuadées que c’est avec nos sœurs qu’il faut changer les choses, parce qu’elles sont de futures mères et qu’elles pourront ainsi faire passer le message dans leur foyer. C’est par la pédagogie et la prévention qu’on amènera les futurs parents à la vérité, en ciblant les milieux ruraux, qui sont les plus concernés.
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