Publié le 11/02/2019
Le centenaire de la Première Guerre Mondiale a suscité plusieurs écrits à caractère mémoriel. La presse médicale ne fait pas exception à cette règle, comme le montre cette publication de la revue History of Psychiatry consacrée aux « traitements de choc » (abrupt treatments) des manifestations hystériques durant le conflit de 1914–1918.
Comme le précise l’auteur (exerçant en Nouvelle-Zélande), il va sans dire que nos actuelles considérations éthiques ne permettraient plus de pratiquer plusieurs de ces méthodes « rudes » que leurs promoteurs présentaient volontiers à cette époque comme « efficaces », même contre des pathologies chroniques. Parmi les techniques les plus « acceptables », citons « la ruse », notamment cette « tactique grossière consistant à offrir une récompense » en cas de guérison. Par exemple, un psychiatre allemand évoque « un soldat complètement paraplégique » dont les jambes ont refonctionné « après avoir appris qu’il a reçu la croix de fer, même s’il persistait une astasie-abasie répondant plus tard à l’hypnose. » Plus contestable : une technique associant un effet de surprise, voire de peur, à un choc, peut-être avec l’arrière-pensée de guérir en somme « le mal par le mal » (similia similibus curantur) car ce choc contrôlé pourrait contrecarrer les effets du traumatisme de guerre, en simulant précisément les conditions d’un traumatisme minimal. Un médecin justifie cette stratégie en rappelant qu’il est notoire de voir les symptômes hystériques « disparaître au moment du danger : le paralytique recouvre le mouvement des membres, le muet retrouve la parole, l’aveugle la vue, etc. »
De la douche froide au faradisme
En particulier, on peut rattacher à ce type de choc « thérapeutique » la douche froide, rebaptisée pour la circonstance « hydrothérapie » et considérée comme une « stratégie relativement facile pouvant agir de façon quasi miraculeuse. » De son côté, le célèbre neurologue Joseph Babinski dit « ne pas pouvoir combattre l’hystérie pendant la guerre des tranchées » et confirme la nécessité de « manœuvres. » Certains médecins expérimentent alors l’effet du « faradisme », c’est-à-dire du choc électrique. Par exemple, chez un soldat souffrant d’une « sciatique hystérique persistante d’une durée de neuf mois », un praticien eut recours à un « faradisme fort, appliqué par une petite électrode en brosse métallique sur la peau humidifiée », après lequel « le soldat fut capable de courir à travers la pièce. »
Comme on peut l’imaginer, la suggestion hypnotique fut aussi « largement employée », surtout au début de la guerre, mais la plupart des médecins « cessèrent de l’utiliser en raison de récidives fréquentes et de résultats inconstants. » Ainsi, malgré l’absence de traitements psychotropes, l’imagination ne manqua pas aux médecins pour tenter d’alléger (avec des fortunes diverses et des entorses à l’éthique actuelle) la souffrance des poilus revenant du front...
Dr Alain Cohen
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire