Publié le 12/02/2019
De récents travaux ont montré que les antidépresseurs sont plus efficaces que le placebo pour le traitement de la dépression majeure. Ils sont très largement prescrits dans cette indication, mais le sont aussi dans d’autres pathologies, comme l’anxiété ou les douleurs. Plusieurs études ont toutefois attiré l’attention sur le fait que les antidépresseurs étaient souvent prescrits sur de très longues durées. Des guidelines recommandent bien d’arrêter le traitement 6 mois après la rémission, mais sans préciser comment l’interrompre ni s’il y a des circonstances nécessitant la poursuite du traitement. La remise en question régulière du traitement est préconisée, mais dans la vie réelle, de nombreuses difficultés se présentent.
C’est pourquoi une équipe hollandaise a enquêté auprès de 189 médecins généralistes, totalisant une patientèle de 326 025 patients de plus de 18 ans et dont les prescriptions ont été passées au peigne fin sur une durée de 5 ans. L’objectif était de préciser la durée des prescriptions d’antidépresseurs et les déterminants de ces prescriptions prolongées.
Près de 7 % de cette patientèle se voit chaque année prescrire un antidépresseur, le plus souvent pour une dépression (38 %). Mais l’anxiété (17 %), d’autres troubles psychologiques (20 %) et des indications non psychologiques, parmi lesquelles la douleur (25 %), comptent aussi pour une grande part des prescriptions.
Difficile d’interrompre
Près de la moitié de ces patients (42 %) prennent des antidépresseurs pendant toute la durée de l’étude (5 ans). L’usage prolongé est plus fréquent chez les femmes que chez les hommes, chez les 45-64 ans plus que chez les plus de 65 ans et quand l’indication est un trouble psychologique. Toutefois, les auteurs remarquent que le nombre des prescriptions de longue durée varie selon les praticiens, ce qui traduit une durée de traitement dépendante en partie du mode de pratique.
Les prescriptions prolongées d’antidépresseurs sont encore l’objet de nombreuses discussions dans le milieu médical et la société. Les opposants pointent leur manque d’efficacité et les possibles effets indésirables à long terme. Des risques de chute et de fractures, de saignements digestifs ou de convulsions ont été relevés chez les usagers au long cours. Les partisans de leur utilisation estiment que ces risques sont largement surestimés.
Il faut bien reconnaître les difficultés que représente l’arrêt d’un traitement antidépresseur chez un patient qui craint plus que tout de voir réapparaître ses symptômes. Les auteurs suggèrent quelques pistes pour réduire la durée des traitements. La première est la réévaluation annuelle du traitement, méthode qui a fait ses preuves dans d’autres pathologies. L’autre piste serait l’introduction des « tapering strips » : le médicament est conditionné dans une boîte comprenant des comprimés à doses dégressives, ce qui encourage le patient à poursuivre la réduction des doses, même en cas d’apparition d’effets indésirables qu’il peut prendre à tort pour une rechute dépressive.
Dr Roseline Péluchon
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