Une étude de Terra Nova montre l’intérêt pour l’usage médical du chanvre. La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a reconnu un « retard » de la France sur le sujet.
Pour ou contre ? Le sujet est complexe, mais les Français sont unanimes : selon une étude IFOP pour Terra Nova et Echo citoyenpubliée lundi 11 juin, ils sont 82 % à se déclarer favorables à l’autorisation du cannabis à usage médical encadré (sur ordonnance), contre une courte majorité (51 %) en faveur d’une régulation du cannabis récréatif. Ils sont aussi 73 % à estimer que l’Etat devrait financer la recherche sur ses usages thérapeutiques.
Hasard du calendrier, la question a été posée du 15 au 18 mai à un échantillon représentatif de 2 005 personnes de 18 ans et plus, soit quelques jours avant que la ministre de la santé, Agnès Buzyn, ne tienne des propos très remarqués sur France Inter : « C’est peut-être un retard que la France a pris quant à la recherche et au développement du cannabis médical », a indiqué l’ancienne présidente de l’Institut national du cancer. Elle a demandé aux institutions qui évaluent les médicaments de lui faire remonter l’état des connaissances, « parce qu’il n’y a aucune raison d’exclure, sous prétexte que c’est du cannabis, une molécule qui peut être intéressante pour le traitement de certaines douleurs très invalidantes ».
Le cannabis médical « pourrait » donc arriver en France. En Europe, dix-sept pays ont ou sont en train de l’autoriser. La position française est pour l’heure difficile à suivre. En 2013, au même poste, Marisol Touraine avait fait un premier pas en autorisant la commercialisation de médicaments à base de cannabis. En 2014, une autorisation de mise sur le marché avait été accordée au Sativex, destiné à soulager les malades atteints de sclérose en plaques.
Quatre ans plus tard, ce spray contenant du tétrahydrocannabinol (THC, psychoactif) et du cannabidiol (CBD) n’est toujours pas commercialisé, en raison d’un désaccord sur son prix – et d’un manque de volonté politique, disent certains. Le laboratoire espagnol Almirall en demande 240 euros par boîte mais le Comité économique des produits de santé, qui négocie le prix, souhaite plafonner les ventes pour éviter l’envol des dépenses pour la « Sécu ». « Avec l’enveloppe qui nous est proposée, nous serions payé pour les 350 premiers patients, et nous financerions chaque patient supplémentaire », s’agace Christophe Vandeputte, directeur d’Almirall en France, qui estime la population cible à 2 000 malades.
Résultat, les patients peuvent juste aller l’acheter à l’étranger. D’autres médicaments, le Marinol (contre les vomissements en chimiothérapie) et l’Epidiolex (épilepsie), disposent d’une autorisation temporaire d’utilisation, qui s’obtient difficilement – seule une centaine de malades l’ont. D’autres Français, atteints de pathologies plus ou moins lourdes, vont se fournir en Suisse ou ailleurs en herbe moins dosée en THC, ou achètent du cannabis classique, au risque de poursuites.
« On attend des actes »
En avril, le député (LRM) Olivier Véran a organisé des auditions à l’Assemblée nationale. Selon lui, « ce qui manque, c’est une étude à grande échelle sur l’usage non spécifique à une maladie ». Ce neurologue est favorable à l’autorisation d’un « accès compassionnel ». Les associations voient donc des signes, mais pas bien plus. « Mme Buzyn ne fait que répéter ce qu’avait dit Marisol Touraine », estime Fabienne Lopez, présidente de Principes actifs, qui s’inquiète de l’emploi par la ministre du terme « molécule » – le développement de médicaments prend du temps –, mais aussi de l’essor des produits au CBD, « qui brouille nos messages » –l’usage à visée thérapeutique nécessite aussi du THC.
Sollicité depuis fin mai par Le Monde, le ministère n’a apporté aucun éclaircissement quant aux déclarations de Mme Buzyn. « Nous avons salué cette déclaration, mais on attend des actes », lâche Bertrand Rambaud, pour l’Union francophone pour les cannabinoïdes en médecine. « Il faut un statut d’usager thérapeutique », a-t-il réclamé en introduction d’un colloque organisé par son association, le 1er juin, à Paris. Dans un amphi rempli à craquer, il y avait là 250 patients, associatifs, médecins… et même des entrepreneurs, tel ce jeune « start-upeur » qui vientde revendre ses parts dans une société d’impression 3D et veut investir dans l’« or vert », mais « plutôt à l’étranger puisque nous ne pouvons pas en France ».
D’aucuns se mettent aujourd’hui à espérer que le quinquennat Macron, après avoir durci la répression en instaurant des amendes pour détention de cannabis, se laisse séduire par ses vertus thérapeutiques (et ses débouchés économiques).
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