En séance ce samedi sur le projet de loi sur l'asile et l'immigration, l'Assemblée a rejeté des amendements de la gauche et du Modem visant à interdire le placement de familles avec enfants en centre de rétention administrative.
C'est un débat dans le débat. Sans doute le point plus éruptif d'une discussion déjà houleuse sur le projet de loi sur l’asile et l’immigration. Ce samedi les députés ont examiné plusieurs amendements portés par des députés Modem, socialistes, communistes et de la France insoumise visant à interdire le placement en rétention de familles avec des mineurs. Ils ont été, les uns après les autres rejetés par les députés de la majorité, nombreux à être revenus siéger ce week-end pour terminer l'examen du texte porté par Gérard Collomb.
Si les mineurs sans famille sur le territoire ne peuvent séjourner en centre de rétention administrative (CRA), il est permis d'y placer des enfants avec leurs parents, sous le coup d'une décision d'éloignement. Une situation que dénoncent depuis longtemps les associations, l’Unicef mais aussi le Défenseur des droits, Jacques Toubon. Celui-ci a récemment rappelé «l’impérieuse nécessité de protéger en toute hypothèse les droits et l’intérêt supérieur des enfants».
Une circulaire du 6 juillet 2012 demande de privilégier l’assignation à résidence des familles plutôt que la rétention, mais liste aussi les cas dans lesquels il est possible d'y avoir recours. Si la recommandation a été relativement suivie au départ, le nombre de familles placées en CRA a explosé ces dernières années. En 2017, 275 mineurs sont ainsi passés par des centres en métropole et plus de 4000 à Mayotte. Selon la Cimade, 27 familles et 47 enfants ont été enfermés en vue d'un éloignement.
«Pas les enfants, plus les enfants»
«Pas les enfants, plus les enfants. Rien ne justifie l'enfermement d'un gosse. Un innocent ne peut être traité comme un coupable», a lancé le député PS Hervé Saulignac. Les interventions de ses collègues du groupe Nouvelle gauche, mais aussi communistes et de la France insoumise se sont enchaînées pour presser le ministre de l'Intérieur de mettre fin à cette pratique. Et rappeler que la France a été condamnée en 2016 par la Cour européenne des droits de l’homme, dans cinq dossiers pour «traitement inhumain ou dégradant». «Des études récentes confirment que le traumatisme pour des enfants passés en rétention sont comparables à un choc post traumatique», a observé Elsa Faucillon (GDR). «On ne peut pas imaginer des enfants derrière les barreaux des CRA de France», a aussi plaidé Erwan Balanant (Modem). Alors que la majorité LREM a renvoyé aux socialistes la promesse non tenue de François Hollande en 2012 sur la fin de la rétention des mineurs, Olivier Faure a répondu: «Nous pouvons aujourd'hui réparer les uns et les autres ce qui ne l'a pas été jusqu'ici.»
De tels amendements avaient déjà été repoussés lors de l'examen du texte en commission des Lois. Comme il l'avait fait début avril, Gérard Collomb a renouvelé son engagement de lancer des travaux pour adapter «les conditions matérielles et sociales» d'accueil dans les centres de rétention où sont placées des familles. Il a aussi promis de «faire en sorte que la durée de rétention soit la plus brève possible» et de veiller à ce que la procédure soit «strictement encadrée». De là à mettre fin à l'enfermement d'enfants ? Le ministre de l'Intérieur a redit niet. Réaffirmant que la rétention vise des familles qui se sont «déjà soustraites à une procédure d'éloignement», il a averti : «Si on ne peut pas expulser des personnes qui fuient le droit, on ne pourra expulser personne.»
«On peut mettre tous les toboggans»
En coulisses, la majorité et le gouvernement se sont aussi accordés cette semaine pour mettre en place un groupe de travail sur le sujet qui doit déboucher sur une proposition de loi d'ici à la fin de l'année. «Donnons nous le temps pour construire ensemble ces solutions juridiques», a préconisé la rapporteure, Elise Fajgeles (LREM).
Des engagements qui, s'ils ont convaincu des députés LREM de retirer leur amendement visant à interdire à la rétention des mineurs, sont insuffisants pour la gauche. «On peut l'interdire ici et maintenant si on le souhaite», a exhorté Laurence Dumont, du groupe Nouvelle gauche. Quant aux travaux dans les centres, «il nous a été indiqué que les CRA seront aménagés pour rendre plus acceptable le fait de mettre des enfants en prison, a répliqué Danièle Obono (France insoumise). On peut mettre tous les toboggans, toutes les fleurs, ça ne changera rien au principe.»
Seuls quatre députés LREM et trois Modem ont ajouté leurs voix à celles de la gauche pour voter l'interdiction de la rétention des familles avec enfants, et sept députés LREM se sont abstenus, a rebours du vote de leur groupe.
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