Depuis le 19 avril, les agents spécialisés de l’école maternelle sont appelés à faire grève pour demander la revalorisation de leurs salaires et de leur statut.
C’est un matin comme un autre dans la classe de Sandra Lestruhaut, à l’école maternelle de Reuilly, dans le 12e arrondissement de Paris. La classe des moyens-grands est divisée en petits groupes. Pendant que l’institutrice s’occupe d’un exercice de graphie, Patricia Serret aide Samuele, Leah et Gabin à comprendre comment fonctionne le « jeu du corps humain ». Les enfants appellent Sandra Lestruhaut « maîtresse », et Patricia Serret « Patou ». Le nom de son poste est un acronyme qui ne leur dirait de toute façon pas grand-chose : Atsem, pour « agent territorial spécialisé de l’école maternelle » (on parle même plutôt d’ASEM à Paris).
Ils sont 50 000 en France à exercer ce métier méconnu, auquel on accède après un CAP « accompagnant éducatif petite enfance » ou qualification équivalente. Le 19 avril, les Atsem, qui aspirent à une plus grande reconnaissance, étaient appelés à faire grève pour demander la revalorisation de leurs salaires et de leur statut. Sans donner d’estimation exacte sur le suivi de cette grève, l’intersyndicale a appelé à une mobilisation reconductible sous différentes formes : grève de quelques heures, interpellation des parents…
« Si tu veux, je te prête mon Atsem »
Longtemps cantonnés dans l’imaginaire collectif au rôle de « dames de service », les Atsem ne s’occupent plus seulement de l’hygiène des enfants et du ménage dans les classes, et sont les fils rouges de la journée pour l’enfant. « Quand j’ai commencé, on était là pour leur laver les mains ou les emmener faire pipi, explique Patricia Serret. Aujourd’hui, les Atsem font partie du groupe classe. » « Ils sont les seuls adultes qu’ils voient du matin jusqu’au soir, en comptant la cantine et la sieste », ajoute Isabelle Daneyrole, directrice de la maternelle de Reuilly.
Ces agents municipaux – presque exclusivement des femmes – sont placés sous la double autorité de l’école et de la commune. Les Atsem peuvent aider aux ateliers organisés par l’enseignant, mais selon le collectif Atsem de France, qui rassemble 11 000 membres, c’est loin d’être le cas partout. La relation entre l’enseignant et l’Atsem, fondamentale, dépend de la bonne volonté des uns et des autres. « Certains enseignants se permettent des remarques déplacées, constate Gaëlle Le Notre, l’une des fondatrices du collectif.Ils se disent entre eux : “Si tu veux, je te prête mon Atsem.” Les agents ont une expertise, ils connaissent les enfants et ne veulent plus être considérés comme un meuble. »
La réforme des rythmes scolaires, en 2013, a contribué à transformer le rôle des Atsem. Désormais, les enfants terminent l’école plus tôt – l’emploi du temps définitif dépend des communes – et basculent sur un temps d’activité périscolaire (TAP). Dans de nombreuses écoles, par manque d’animateurs formés, ce sont les Atsem qui endossent ce rôle. Avec des journées plutôt chargées.
Le mardi et le vendredi, les ASEM de l’école de Reuilly s’occupent des ateliers le matin avant une pause-déjeuner, puis la cantine des enfants et la sieste. A 15 heures, elles se transforment en animatrices. Il faut, en quelques minutes, ranger la classe et mettre en place les activités périscolaires. Parfois, le ménage doit être fait après le départ des enfants, à 16 h 30. « Les jours où on anime le TAP, c’est un peu dur », concède Cathy Roy-Camille, jeune ASEM de Reuilly qui gagne, en début de carrière, environ 1 300 euros net par mois.
Renforcer la formation
Le statut des Atsem vient juste d’évoluer, pour prendre acte de ces nouvelles missions. Le décret relatif à leur statut – publié au Journal officiel début mars – stipule désormais que « les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles appartiennent à la communauté éducative ». Une victoire pour le collectif Atsem de France, invité aux assises de la maternelle, le 28 mars à Paris, mais qui revendique d’autres évolutions, également à l’agenda de la grève du 19 avril : une plus grande flexibilité dans la grille de revenus, qui plafonne assez vite – et un taux d’encadrement plus important. « Il y a des écoles où il y a un Atsem pour deux classes, commente Gaëlle Le Notre. Il passe son temps à passer d’une classe à l’autre, dix minutes par ci, quinze minutes par là… » Unifier les pratiques qui consistent à affecter un Atsem par classe, au moins pour les petits niveaux, améliorerait clairement les conditions de travail.
Pour ce collectif comme pour les auteurs d’un rapport conjoint des inspections générales de l’éducation et de l’administration (IGEN et IGA), publié en juillet 2017, la formation est désormais le nerf de la guerre. D’abord parce que la formation conjointe entre enseignants et Atsem serait un bon moyen d’améliorer le dialogue entre les deux parties. A Paris, où de telles formations existent, c’est un succès. « C’était passionnant d’apprendre autant sur le métier de l’autre, dont on ne connaît jamais tous les aspects », commente Patricia Serret.
Dans ce texte, l’IGA et l’IGEN insistaient sur l’importance d’une formation « renforcée » des Atsem. Longtemps centrée sur l’hygiène de l’enfant, la formation inclut peu d’éléments sur le développement de l’enfant. Les Atsem ont ainsi longtemps pâti d’une réputation commune à de nombreux métiers de la petite enfance, qui veut qu’« être mère » ou « aimer les enfants » suffise à savoir s’occuper d’eux.
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