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lundi 16 avril 2018

Fin de vie : une affaire de médecins et de loi

Par Philippe Bataille Nathalie Gueirard Debernardi et Marie Godard, pour l’association le Choix - Citoyens pour une mort choisie — 
A Paris, en octobre 2017.
A Paris, en octobre 2017. 
Photo Edouard Caupeuil

La proposition de loi de Jean-Louis Touraine ne s’adresse qu’à des malades qui sont à l’agonie, elle ne prend pas en compte tous ceux qui ne veulent pas arriver à ce stade.

En France, il n’existe toujours pas de loi sur l’aide médicale active à mourir. Les Français la réclament pourtant. Ils ont compris que mourir nécessitait parfois une aide médicale active, qu’on l’appelle «euthanasie» ou «suicide assisté». Or, la proposition de loi Touraine prolonge l’esprit des lois en place de 2005 à aujourd’hui, de Leonetti à Claeys-Leonetti. Elle ne comble en rien les vides laissés par les lois actuelles, voire les amplifie. Elle n’empêchera pas les passages de frontières pour trouver hors de l’Hexagone l’humanité et la dignité nécessaires à la quiétude de la mort choisie. Que manque-t-il à la France ? Certains diront que l’influence persistante du catholicisme explique les blocages politiques, d’autres, que la médecine est trop timorée. Les deux sont sans doute vraies. Mais nous n’en sommes plus là et l’heure est aux façons de surmonter ces différents blocages. Les lois ont en cela un rôle important à jouer. En matière de fin de vie, elles ont le pouvoir de calmer les tensions que leur absence provoque, en laissant le citoyen libre de penser sa mort. Car c’est bien de cela qu’il s’agit.

La proposition législative, déposée fin septembre par Jean-Louis Touraine, député du Rhône (groupe LREM), ne s’adresse qu’à des malades qui sont à l’agonie mais ne prend pas en compte tous ceux qui ne veulent pas arriver à ce stade et souhaitent mourir alors qu’ils sont en pleine conscience, au moment qu’ils auront choisi. Elle laisse de côté toutes ces situations où le désespoir personnel est amplifié par l’absence de responsabilité collective. Car la mort n’est pas un choix, c’est le moment et la manière d’y arriver qui peut l’être. On oublie trop souvent que la fin de vie n’est pas qu’affaire de médecins et qu’elle doit tenir compte de l’individu avant tout, mais aussi des lois de notre pays. Entre l’individu et le collectif, il faut qu’un lien existe. C’est à cet impératif moral et politique que la loi répond. Pouvoir finir sa vie dans un encadrement légal est devenu une nécessité en France. Trop d’affaires nous le rappellent. Aucune n’implique la loi Claeys-Leonetti de 2016 dont les décrets sont progressivement mis en place dans les unités de soins palliatifs en répondant à toutes les situations de fin de vie que la médecine peut accompagner. En marge de ces accompagnements en soins palliatifs, il existe d’autres situations qui requièrent une aide médicale à mourir et qui nécessitent une procédure légale. Une nouvelle loi doit désormais impérativement les prendre en compte.
L’association le Choix - Citoyens pour une mort choisie demande à tous les députés de tous les groupes de s’ouvrir à l’aide médicale active à mourir sans craindre les prophéties qui déjà annoncent des dérives. Au contraire, la démonstration a été faite dans les pays où une telle loi existe que les malades s’acheminent plus sereinement vers leur fin de vie et réclament plus tardivement qu’on les aide à mourir, car ils savent que leur volonté sera respectée le moment venu. Il est attendu d’une nouvelle loi qu’elle rende inutiles les milliers d’euthanasies illégales pratiquées chaque année en France et les nombreux départs de malades vers des pays voisins pour aller y mourir, qui renforcent les inégalités entre les citoyens.
Notre collectif les dénonce et s’en indigne d’autant plus que la parole des Français n’est toujours pas entendue. Les coprésidentes de notre association, auteures de deux pétitions citoyennes qui ont recueilli plus de 350 000 signatures, seront prochainement auditionnées dans le cadre des états généraux de la bioéthique et feront en sorte d’attirer l’attention des instances qui consultent. Mais cela ne suffit pas.
Les citoyens, alertés par une foule de procès qui défraient la chronique depuis maintenant plusieurs années, ont connaissance de ces tristes histoires dans lesquelles la mort a été le combat de trop. Ils attendent plus que le simple toilettage d’une loi qui resterait fondamentalement inchangée. L’aide active à mourir nécessite que soit écrite et votée une loi qui définisse précisément le droit des malades à faire valoir leur choix en matière de fin de vie et le cadre dans lequel cette loi s’appliquera. Il faut que cesse ce parcours du combattant et qu’enfin la loi offre une solution sereine à des situations désespérées

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