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mercredi 18 avril 2018

Je suis crade mais ça me soigne

Par Emmanuèle Peyret — 

Pour Josh Axe, «la saleté au sens métaphorique et littéral a le pouvoir de reconstruire notre barrière intestinale».
Pour Josh Axe, «la saleté au sens métaphorique et littéral a le pouvoir de reconstruire notre barrière intestinale». Photo Emmanuel Pierrot


Le nutritionniste américain Josh Axe tient l’excès d’hygiène pour responsable de l’affaiblissement de nos systèmes immunitaires. Dans un nouvel ouvrage, il réhabilite les bienfaits d’une fausse ennemie : la bactérie. «Libération» a testé pour vous la grève de la douche.

Un grand bravo au nouveau pape des crades (enfin semi-crades). On a nommé l’Américain Josh Axe. Nutritionniste et fondateur d’une clinique de naturopathie, il vient de nous livrer Salement bon pour la santé, régime bactérien pour renforcer notre système immunitaire (1). 423 pages un peu médicales, un peu new age-retour à la nature-les pieds bien dans le gazon, un peu diététique ambiance probiotiques et légumes bio, un peu recettes vegan, un peu aussi n’importe quoi, dans la série nostalgie du temps «d’avant où on vivait en harmonie avec les saisons, on respirait les odeurs et les microbes d’un sol biologique, en contact avec ses voisins, nos familles nos animaux» - et où on accouchait sans péridurale, les gosses mouraient comme des mouches et l’espérance de vie était de quarante ans. Le pitch d’Axe ? «Rééduquer notre système immunitaire pour qu’il puisse apprendre à se défendre sans excès. Ne plus avoir peur d’un peu de saleté ici ou là mais au contraire suivre les rythmes de la nature», avec un discours assez sympathique et juste (lire interview page suivante) sur le trop d’hygiène tue l’hygiène et surtout tue les bons microbes dont nous avons besoin.

En tête de gondole des flingueurs de bactéries utiles, Axe place la «dégradation de notre alimentation, une guerre bactériologique implacable [avec les gels bactéricides, entre autres, ndlr], une surconsommation médicamenteuse», mais aussi «l’avènement de la technologie moderne, la réfrigération agro-industrielle, la douche quotidienne» qui génère une société limite aseptisée. Une bulle même, selon l’auteur, un beau gosse au sourire Colgate qui a l’air de kiffer les smoothies verts. Elle serait responsable de maladies chroniques, allergies, asthme, intolérance alimentaire. Tandis que «la saleté au sens métaphorique et littéral a le pouvoir de reconstruire notre barrière intestinale». Trop considérer les germes comme des ennemis à détruire a des conséquences dévastatrices, notamment une : l’intestin devient perméable, une véritable épidémie, selon Josh Axe. Tentons d’expliquer l’idée. En empêchant le système immunitaire, l’intestin et le corps en général de se battre, on les a rendus vulnérables, perméables, l’inverse du résultat espéré. Résultat : inflammations, immunités affaiblies et flore intestinale détruite. Le naturopathe décrit cinq types d’intestins, le test page 44 permet d’évaluer si on a l’intestin perméable ou non, on laisse au lecteur le soin de découvrir si le sien est «candida», «stressé», «immun», «gastrique» ou «toxique». Non, c’est perso, je dirai rien. Mais on a eu envie de suivre quelques conseils du bon docteur, au fond plein de bon sens (si on ne déséquilibre pas trop du côté craderie), sans pour autant se rouler dans la fange de Bibi, la truie du voisin, mais en allant un tout petit poil au-delà de ses habitudes.
Photo Emmanuel PierrotLécher les barres du métro (ou du caddie)

Lécher les barres du métro (ou du caddie)

Selon Josh, tout nouveau parent devrait rouler son enfant sur le sol du métro pour l’exposer aux germes et aux infections qui préparent le système immunitaire. En effet, des chercheurs américains ayant identifié 600 espèces de bactéries et de microbes dans le métro de New York sur les rampes, les dossiers, les planchers et les loquets, on dispose là d’une admirable et fort appétissante diversité bactérienne. Las, n’ayant pas de nourrissons ni de parents consentants sous la main, on a lâché l’affaire. Non, on n’a que peu d’appétence pour la barre du caddie, vu le client d’avant, les doigts dans le nez. On en vient même tout seul aux dérives hygiénistes : premier réflexe en sortant du métro et après l’hyper, gel bactéricide. Tout faux, même si le docteur recommande quand même de se laver les mains en cas de grippe ou gastro et avant de manger.

Se laver moins, se rincer beaucoup

Le moins possible, «les douches quotidiennes peuvent endommager la couche externe de la peau et perturber le délicat équilibre maintenu par l’écosystème bactérien qui habite notre peau». Suggestion de l’auteur, «laisser votre propre corps faire le travail de repeuplement de votre peau», en prenant une douche savonnée les jours où vous sortez travailler. Pour l’auteure de ces lignes, à temps partiel, ça n’a pas fait beaucoup de douches savonnées dans la semaine mais des douches à l’eau et pas de shampooing, on se rince juste les cheveux et on les brosse. Autant dire qu’on ne se sent pas superbien, même en couvrant les odeurs corporelles avec du parfum comme au XVIIIe siècle, et le cheveu du gosse est gras et crade au bout de trois jours. Mais on retient volontiers l’idée du savon naturel et des huiles essentielles pour le corps : les femmes s’exposent en moyenne tous les jours à 168 ingrédients chimiques et les hommes à 85.

Faire la vaisselle mais à la main

Vu que ça lave moins bien, si tu as suivi le raisonnement de Josh Axe, de la bonne bactérie sur les assiettes et les couverts sales, miam miam. Ouais, mais non, Josh, c’est pas toi qui te tapes la vaisselle pour quatre deux fois par jour. Plus celle des apéros avec des lâches qui dégueulassent tout et se barrent sans rien faire.

Rouler des pelles au chien

Pas de chien sous la main, on a pris les quatre chats, pour suivre l’exemple de Josh : ébouriffer la fourrure (chats pas contents), attraper les pattes et brosser les coussinets (chats pas contents du tout) pour permettre aux microbes bénéfiques de pénétrer le sang grâce à la perméabilité de l’épiderme. Voilà qui renforcerait le nombre de bonnes bactéries présentes dans l’intestin, leur enseigner la bonne info pour répondre aux agents pathogènes de mon environnement, aider à guérir l’intestin perméable, etc. Avec les chats, on n’a pas trouvé de conclusion scientifique, mais on s’est fait cracher à la gueule et on a chopé une bonne griffure. Ça immunise, on te dit.

Bouffer de la terre

Et oui, le docteur passe son temps à se salir les mains et à manger de la terre via les légumes par exemple. Acheter une botte de carottes bio au marché (inutile, je suis abonnée à une Amap), les rincer simplement au lieu de les frotter, la peau de chaque carotte contient des microbes bénéfiques. A nous les «500 mg de bonne terre, autant que la consommation moyenne d’un enfant qui joue à l’extérieur». Oui, bon ben voilà, la terre mangée, c’est pas très bon, ça laisse des petits bouts sur les dents. Les dents qui craquent c’est un bon signe de saleté, ça, non ?
(1) Salement bon pour la santé, Josh Axe, éditions Lattès,


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