Stéphany Mocquery 06.12.2016
Les conduites addictives dans un contexte professionnel, en particulier la consommation de drogues et de psychotropes, sont une préoccupation récente du monde du travail et des pouvoirs publics.
La deuxième journée nationale de prévention des conduites addictives en milieux professionnels, organisée par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), le ministère du Travail et le ministère de la Fonction publique a été l'occasion de plaider pour une nouvelle approche des conduites addictives en milieu professionnel.
Nouvelles normes de travail, tensions et addictions
Les nouvelles normes du travail contemporain (flexibilité, intensification du travail, individualisation du travail et des responsabilités, etc.) induisent des tensions (précarité, hyperactivité et hypercompensation, stress, etc.) pouvant conduire certains agents à adopter des comportements addictifs aux drogues, licites ou illicites, et aux psychotropes.
Pour le Pr Michel Reynaud, psychiatre addictologue et président du Fonds Actions Addictions, « l'entreprise peut être plus ou moins incitative ou, au contraire, plus ou moins régulante ». Par ailleurs, « les individus sont plus ou moins vulnérables aux addictions ». Enfin, les raisons qui font qu'un employé va se tourner vers la consommation de substances addictives peuvent être très différentes, comme « rechercher une sensation ou gérer un malaise au sein de l'entreprise », les deux pouvant cependant se combiner.
Analyser les risques de façon collective
Pour le psychiatre, l'entreprise a tout intérêt à agir contre les addictions de ses salariés et à mettre en place une stratégie de prévention, « non seulement parce que cela lui permet de diminuer les arrêts de travail liés aux maladies ou aux accidents, mais également parce que cela améliore le bien-être de ses salariés et donne une image positive de l'entreprise ».
Mais cette stratégie de prévention, pour être efficace, doit passer par une analyse préalable de la situation et des risques en particulier. « Cela nécessite d'effectuer un travail collectif, qui intègre aussi bien la direction générale de l'entreprise que la direction des ressources humaines, le médecin du travail, les préventeurs (acteurs de la prévention), les travailleurs sociaux, les représentants des salariés et les salariés eux-mêmes », note le Pr Reynaud. Cela consiste à identifier, par exemple, quand l'entreprise peut-être incitatrice (incitation à la consommation lors d'évènements festifs ou parce que le salarié est souvent absent de son domicile, par exemple) ou à prendre en compte l'accès aux substances addictives (médicaments à disposition pour les personnels des hôpitaux, notamment les anesthésistes).
Prévenir et réguler
L'entreprise doit ensuite mettre en place une stratégie de prévention mais également de régulation des conduites addictives. Mais, « iI ne s'agit pas d'interdire les pots au travail, par exemple », fait remarquer le psychiatre. Plutôt de repérer les problématiques occasionnées par ces pots pour mieux les prévenir. Les contraintes sont également à proscrire car cette stratégie n'est « pas opérante chez les personnes malades [de leur dépendance] car leur cerveau s'est réorganisé d'une telle façon que la privation induit automatiquement une sensation de manque ». Et le professionnel de préciser : « Seule la récompense fonctionne chez ces individus », même si cela peut surprendre, voire mettre mal à l'aise.
Pour aider les entreprises dans cette démarche de prévention et de régulation des conduites addictives, Addict'Aide, un site Internet sur les addictions, comporte un espace spécifique pour les entreprises. Des informations sur les addictions, le cadre réglementaire relatif à ces addictions et des outils d'aide à la prévention sont disponibles sur ce site.
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