Image: Mizutani et al/Arxiv.
Une équipe de chercheurs de l’Université Tokai, au Japon, a récemment publié le premier modèle 3D du réseau neuronal d’une drosophile. Ce travail constitue une avancée importante pour les neurosciences, puisqu’il traduit des progrès conséquents en matière d’imagerie cérébrale : nous disposons désormais d’images haute résolution des réseaux neuronaux cérébraux, au point de pouvoir représenter la forme et la position de près de 100 000 neurones.
Comme le montre un article publié ce mois-ci sur arxiv, les chercheurs ont utilisé une technique utilisée traditionnellement dans la modélisation de molécules complexes, et l’ont adaptée à la représentation des neurones.
Il s’agit de la cristallographie aux rayons X : elle consiste à cristalliser un échantillon purifié de la molécule étudiée, avant de la bombarder de rayons X. On obtient ainsi des patterns de diffraction des rayons X sur la molécule en question, ce qui permet d’inférer les changements de la densité des électrons à l’intérieur de la molécule, mais pas de situer la position des atomes eux-mêmes. On déduit ensuite cette position à partir des mesures réalisées.
L’équipe de Tokai a découvert qu’il était extrêmement difficile d’adapter cette technique à l’étude d’un réseau neuronal. Contrairement aux atomes dans une molécule, qui peuvent être représentés comme des points dans l’espace, les neurones constituent plutôt des lignes intriquées qui se tordent et se tournent de manière ininterrompue ; il est donc difficile d’inférer leur localisation et leur structure à partir d’un diagramme de diffraction.
Les chercheurs ont donc modifié leur approche en la combinant à une autre technique, la tomographie aux rayons X. Au lieu de créer une version cristallisée d’un cerveau de mouche, ils ont plongé le cerveau en question dans un bain d’argent. Ils ont ensuite bombardé le cerveau de rayons X, avant de mesurer comment l’argent avait absorbé les radiations. Les données produites par cette technique ont ensuite été traitées par un programme d’imagerie qui a pu représenter en 3D la forme et la position des neurones dans le cerveau.
Les neurones dans un cerveau de drosophile représentés avec une résolution de 140 nanomètres. Image: Arxiv / Mizutani et al.
Le résultat de toutes ces opérations est pour le moins impressionnant : les chercheurs ont rapidement produit une première représentation 3D des connections neuronales à une résolution de 600 nanomètres, montrant plus de 100 000 neurones. Ils auront été assistés dans leur tâche par un programme de modélisation, qui a pu vérifier consciencieusement la pertinence de la location des neurones, un par un ; chaque erreur était corrigée à la main par les chercheurs, ce qui constitue un travail de longue haleine.
Il aura fallu 1700 heures de travail (environ 71 jours) pour créer cette carte de 100 000 neurones. Quand on sait que le cerveau humain en possède environ 100 milliards, on imagine aisément que cette technique ne pourra pas être appliquée à la cartographie du cerveau humain. Néanmoins, ces résultats nous permettent de mieux comprendre comment est constitué un cerveau complexe, cet étrange et stupéfiant miracle de la nature.
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