Les témoignages relevés par la Drees dans le cadre d'une enquête confirment que les soignants considèrent leurs conditions de travail en Ehpad difficiles. Les tensions dans ces organisations relèvent de plusieurs facteurs. La pénibilité est aussi bien physique que psychique. Les perspectives d'amélioration semblent limitées.
Dans son enquête sur les soignants en Ehpad, la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) analyse la détérioration de leurs conditions de travail. Plusieurs déterminants sont en cause. Toutefois, les témoignages recueillis confirment l'existence d'une "identité professionnelle forte, construite autour de métiers dont la pénibilité n'est pas dissimulée, mais est souvent dépassée par un engagement individuel". Au regard du poids grandissant des contraintes cet engagement semble fortement menacé.La Drees note ainsi en conclusion que les soignants interrogés ont peu confiance en leur avenir évoquant la croissance de leur charge de travail et le risque que celle-ci devienne littéralement insupportable. L'évolution du secteur médico-social vers un modèle plus sanitaire ; la raréfaction des pratiques d'entraide et de solidarité au sein des équipes ou encore le renforcement des exigences des usagers soulèvent aussi de lourdes craintes.
L'impulsion de la direction
Le maintien d'une cohésion de groupe se situe au cœur de la problématique des conditions de travail. En Ehpad, cela est présenté comme primordial. Hormis les conflits interpersonnels, la difficulté à faire équipe "peut être nourrie de facteurs exogènes : évolution de la structure (changement de bâtiment, regroupement d'établissement, agrandissement de la capacité d'accueil, spécialisation d'une unité)". La Drees retient donc comme éléments perturbateurs d'une entente cordiale des professionnels : les conflits avec les familles, les décès ou les enquêtes pour suspicion de maltraitance. Mais c'est surtout les dysfonctionnements organisationnels ou managériaux qui peuvent faire voler en éclat la belle entente. La Drees rapporte que les personnes interrogées ont insisté sur le rôle de la hiérarchie et du cadre de proximité. Ils attendent de l'un ou de l'autre qu'il soit le "garant du professionnalisme des personnels, par exemple en intervenant de manière impartiale pour encadrer les conflits interpersonnels ou en accordant les visions de chacun sur ce qui serait une prise en charge personnalisée et de qualité pour les résidents".
Une organisation du travail perturbée
Unanimement les soignants enquêtés dénoncent "la pression de la pendule". Selon eux, les directeurs demanderaient à leur personnel de "travailler vite, en ayant en tête la prochaine tâche ou le prochain résident, sans prendre le temps de bien travailler". Ils déplorent aussi les multiples interruptions qui jalonnent leur journée, et de citer l'utilisation abusive des sonnettes par certains résidents. La pénibilité physique et psychique est aussi mise en exergue. Un agent des services hospitaliers témoigne qu'en Ehpad "avoir mal au dos fait partie du métier". La Drees souligne par ailleurs l'importante charge mentale à laquelle sont soumis les professionnels. Outre les situations de stress comme les violences verbales et physiques de la part des résidents ou de leur famille, les professionnels subissent ainsi un effet miroir face à la vieillesse, la perte d'autonomie ou la mort des résidents. Enfin, l'utilisation croissante de la technologie pour faciliter le travail des soignants est une solution qui peut avoir aussi des biais comme le risque de déshumaniser la prise en soin.
La méthodologie de l'étude
L'enquête qualitative dirigée par la Drees sur les conditions de travail en Ehpad des soignants a été réalisée dans trente établissements. 340 personnes de septembre 2015 à février 2016 ont été interrogés dans le cadre d'entretiens collectifs ou individuels. Les problématiques concernant l'organisation du travail, le temps de travail, la charge émotionnelle ont été abordées dans le cadre de tables rondes distinctes associant des aides-soignants (AS) ; des aides médico-psychologiques (AMP) ; des auxiliaires de vie sociale (AVS) et éventuellement des agents de services hospitaliers (ASH). Pendant ces sessions, les thématiques liées à la pénibilité physique et à l'avenir professionnel étaient systématiquement abordées.
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