Pour les éditeurs de livres sur la santé destinés au grand public, la relation entre le cerveau et l’intestin aura constitué incontestablement le sujet-phare en 2014 et 2015, comme le montre cette énumération non exhaustive d’ouvrages sur ce thème, certains étant même devenus des best sellers : Le ventre, notre deuxième cerveau (Fabrice Papillon & Héloïse Rambert) ; L’intestin, notre deuxième cerveau (Francisca Joly Gomez) ; L’intelligence du ventre (Irina Matveikova) ; Le charme discret de l’intestin (Giulia Enders) ; Les secrets de l’intestin (Louis Berthelot & Jacqueline Warnet)...
L’intestin est ainsi redécouvert[1] pour l’importance de son microbiote et, de façon plus inattendue, de ses propres neurones (système nerveux entérique), au point qu’on évoque désormais l’existence d’un axe cérébro-intestinal (brain-gut axis). Comme l’explique Mathilde Jaglin dans sa thèse[2] sur ce thème, si la connaissance de cet axe entre le microbiote intestinal et le cerveau débute seulement, « l’enjeu économique et sociétal est tel, étant donnés la forte prévalence et le coût humain et socio-économique des maladies neuropsychiatriques, qu’il serait préjudiciable de négliger l’étude de l’impact de ce facteur environnemental qu’est le microbiote intestinal sur le sytème nerveux central. »
Résolution d’un épisode maniaque
The Australian & New Zeland Journal of Psychiatry consacre justement deux textes à ce sujet, notamment une étude de cas publiée par une équipe française (Pôle de Psychiatrie de l’Université Paris-Est, à Créteil) montrant, pour la première fois, « la preuve incontestable de l’efficacité d’un traitement non psychotrope sur un épisode maniaque, en ciblant l’axe cérébro-intestinal. » Quinze jours avant la survenue de cet épisode maniaque, le patient concerné avait subi une « gastrectomie subtotale pour une obésité morbide. » Formulant l’hypothèse d’un dérèglement du microbiote intestinal, secondaire à cette intervention chirurgicale et à l’origine d’un « orage inflammatoire », les auteurs ont administré du charbon actif[3] pour adsorber les médiateurs intestinaux de l’inflammation, comme les cytokines.
En réduisant alors le déferlement des cytokines vers la circulation générale et donc vers le cerveau, ce traitement (jusqu’alors insolite en psychiatrie) a permis la disparition des symptômes, « parallèlement à la normalisation des marqueurs des phénomènes immuno-inflammatoires » (cytokines, chémokines, présepsine).
Bien que relative à un seul patient, cette étude de cas constitue une illustration édifiante de l’intérêt de l’ouverture vers d’autres spécialités. Le professeur André Bourguignon (qui dirigeait d’ailleurs autrefois le service où a été réalisée cette étude) disait à ce propos : « Il y a plus à apprendre aux carrefours que tout au long des avenues qui y conduisent. »
[1] http://future.arte.tv/fr/le-ventre-notre-deuxieme-cerveau-0 &http://future.arte.tv/fr/le-ventre-notre-deuxieme-cerveau-0/interview-avec-giulia-enders
[2] https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01057811/document
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Charbon_actif
[2] https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01057811/document
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Charbon_actif
Dr Alain Cohen
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