Coline Garré
| 16.02.2016
Le burn-out n'est pas un diagnostic médical en l'état actuel des connaissances et ne doit pas conduire à une prescription inadaptée de traitements médicamenteux, insistent les membres de la commission psychiatrie et santé mentale de l'Académie de médecine, dans un rapport rendu public ce 16 février.
Il ne s'agit pas de nier toute souffrance au travail. « Il y a bien une réalité, qui se manifeste par de l'épuisement émotionnel, une dépersonnalisation, une réduction de l'accomplissement personnel, de la fatigue », reconnaît le Pr Jean-Pierre Olié, membre de l'Académie, et co-rapporteur. Mais la notion de burn-out s'est à ce point élargie qu'elle devient source de confusion, notamment entre détresse et pathologie émotionnelle, et trop imprécise pour conduire à une réponse thérapeutique uniforme. Le burn-out ne figure pas dans les nosographies médicales. « Selon nos informations, les classifications internationales (DSM-V, CIM-10) ne prévoient pas de le reconnaître aujourd'hui », précise le Pr Olié.
Le burn-out n'a pas non plus été inscrit au tableau des maladies professionnelles dans le cadre de la loi Rebsamen. Les dépressions d'épuisement peuvent être reconnues comme maladies professionnelles hors tableau devant les Comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP).
Attention au mésusage médicamenteux
L'Académie de médecine rappelle que seule la pathologie émotionnelle justifie un traitement médicamenteux. « La détresse psychologique n'est pas la pathologie mentale. On ne peut pas tout psychiatriser ni traiter par psychotropes », met en garde le Dr Patrick Légeron, psychiatre co-rapporteur et fondateur du cabinet Stimulus. « La plupart du temps, les personnes qui consultent répondent à un vrai tableau clinique (dépression, stress post-traumatique, troubles de l'adaptation...) », ajoute-t-il.
L'Académie interpelle le ministère de la Santé et les organismes en charge de la recherche médicale, afin de développer les connaissances sur le burn-out, établir des critères cliniques et identifier des mécanismes physiologiques et psychopathologiques. Une manière de sortir ses définitions de son terreau initial de la psychologie sociale et de tenter d'élaborer des outils diagnostiques (et non seulement des instruments de mesures, type questionnaires).
Les données épidémiologiques doivent aussi être développées. Les estimations du phénomène varient de 3 millions de sujets concernés, selon le cabinet Technologia, à 100 000 personnes, en extrapolant des chiffres belges, ou encore 30 000, selon l'Institut de veille sanitaire (InVS). « On ne peut pas dire sérieusement combien de personnes ont un niveau de souffrance telle qu'elle doit être prise en charge par la société », indique l'académicien Bruno Falissard.
Prévention institutionnalisée
L'Académie recommande la création d'une instance de prévention interministérielle (ministère de la Santé et du travail), à l'instar des actions de lutte contre la mortalité routière ou les addictions, et l'élaboration de campagnes d'information auprès du grand public et des professionnels de la santé, de la part de Ségur.
Enfin, les médecins du travail doivent voir leurs missions se concentrer sur la prévention du burn-out et des pathologies mentales liées au travail en entreprise. « De 5 500 aujourd'hui, nous serons bientôt 3 000 : nous devons pourtant avoir les moyens de prendre en charge ces symptômes », alerte le Dr Alain Acker, médecin du travail ayant participé au rapport de l'Académie.
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