Au-delà des regards normatifs et thérapeutiques, la démence peut aussi s’envisager en bonne intelligence avec la vie.
Il y a toutes sortes de folies. La folie douce des amants, la folie tragique des guerres, le délire logique des manipulateurs, la folie des transes et celle des masses, la folie ordinaire des disputes, la folie aseptisée des cliniques psychiatriques. Du meurtre à l’œuvre d’art, les territoires de la démence couvrent tous les domaines de l’humain. Le mot n’est plus guère d’usage d’ailleurs, trop flou, trop négativement connoté (et donc dénié) par nos mentalités puritaines.
Sur la mise au ban de la folie dans nos sociétés normatives, Foucault a fait le travail. On peut évaluer la qualité d’une société au sort qu’elle réserve à ses proscrits, à ses prisonniers, à ses malades mentaux. Il y a un aveu de cruauté à l’égard des populations les plus vulnérables à laisser, «faute de moyens», les cellules de nos prisons surpeuplées et à se résigner aux camisoles chimiques. Les fous n’ont qu’à bien se tenir, nous avons perdu patience.
Chaque folie recèle la «raison déraisonnable» que Platon avait identifiée, proche de l’inspiration poétique et de la divination telles qu’Artaud a pu en chamaniser l’énergie. Comme le soutient Françoise Davoine dans son essai sur Don Quichotte, il y a une sorte de «folie éthique» à refuser le jeu de la perversion. Mais elle se paye très cher et nécessite un grand courage.
Nous avons oublié qu’il y eut en psychiatrie aussi de grands résistants, de grands vivants de la lignée d’Oury, de Laing, de Watzlawick et de Warburg. Déraisonnables, certainement un peu fous, mais ne renonçant jamais à voir le témoignage d’une inhumaine condition dans les souffrances psychiques.
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