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jeudi 25 juin 2015

« Tais-toi et soigne » : le métier d'infirmier en 2015

 

En quoi consiste le métier d'infirmier ? Emmanuel Delporte, infirmier en service de réanimation et écrivain, prend la plume sur son blog « le decapsuleur » ledecapsuleur.com pour répondre à cette question et dépeint une profession en souffrance qui n'attend qu'une chose : que l'on s'intéresse à ce qu'elle apporte de positif.
chut tais-toi infirmier
Être infirmier en 2015 se résume-t-il vraiment à « Tais-toi et soigne » ?
On me demande souvent en quoi consiste le métier d’infirmier. J’y ai beaucoup réfléchi, et j’ai donc décidé de vous en donner ma vision : nous sommes des soldats, de plus en plus compétents et autonomes. Nous nous sommes portés volontaires dans cette guerre contre les bactéries, le cancer, la malchance, les conséquences d’une vie d’abus. Une guerre qui ne s’arrête jamais, qui fait des victimes chaque jour, qui coûte très cher à la société. En réanimation, un malade dans sa phase aiguë, gravement touché par un virus, une bactérie, un champignon, une toxine, ou victime d’un accident de voiture ou domestique, ne peut plus rien faire par lui-même. Il a perdu toute autonomie et titube au bord de la fin du monde. Il est comme un nourrisson qui n’aurait pas même la possibilité de crier pour se faire entendre ; seules les alarmes des écrans de contrôle lui permettent d’appeler à l’aide et nous seuls sommes là pour l’entendre.
Le patient n’est pas aux 35 heures. Le patient est dans ce lit 24 h/24 et il faut bien que quelqu’un s’en occupe. Hé bien ce quelqu’un, c’est nous. On se relaie, nous sommes une équipe. Pas de week-ends, de jours fériés, de relâche pour Noël ou le 1er mai, où il n’y aurait pas l’un d’entre nous, fidèle à son poste.
Soixante ans, ce n’est rien. Ce n’est pas la durée d’une vie, dans notre société évoluée, confortable, bien portante, malade de l’opulence. Soixante ans, c’est l’âge de la réanimation. Ici plus qu’ailleurs, les questions de vie ou de mort ne souffrent ni délai ni approximations. La réanimation, plus que n’importe quel autre service, exige des connaissances particulières, un savoir-faire spécifique et une solide expérience pratique, clinique et théorique, qui demanderait un statut à part. La réanimation est une spécialité médicale, mais les infirmiers français ne reçoivent pas de diplôme spécifique, de gratification, de supplément de formation. La raison pour laquelle il n’y en a pas est très simple : qui dit statut à part, spécialité, dit rétribution spécifique. Impensable aujourd’hui. Aujourd’hui, nos généraux nous ont abandonnés, lâchés derrière les lignes ennemies. Nos généraux nous ont trahis.
Nous nous inquiétons pour ces gens qui deviennent nos patients, de manière globale. Nous faisons à la place de nos patients ce qu’ils ne peuvent plus faire par eux-mêmes, et nous parlons aux machines qui suppléent leurs organes défaillants.

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