Quelle est la réalité en France aujourd’hui pour les femmes enceintes au travail ? Quels comportements adoptent-elles ? De quelles informations sur les risques disposent-elles ? Quelles bonnes pratiques les entreprises mettent-elles en place pour les accueillir ? Telles sont quelques unes des questions auxquelles a voulu répondre l’enquête « femme enceinte et environnement professionnel » de l’institut Odoxa effectuée pour la fondation Premup (fondation de coopération scientifique sur la grossesse et la prématurité), sur un échantillon de 1477 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
Il en ressort qu’en France, l’information sur les risques liés à la grossesse et leurs conséquences est quasi inexistante sur le lieu de travail. Ce qui est d’autant plus préjudiciable que les connaissances de ces femmes sur ces risques et conséquences sont imparfaites. Et, comme 95% d’entre elles n’avaient reçu aucune information de la part de leur entreprise sur les risques liés à l’activité professionnelle sur leur santé ou celle de l’enfant à naitre, lorsqu’elles étaient enceintes, 7 sur 10 se sont globalement comportées comme d’habitude sur leur lieu de travail plutôt que de prendre les précautions nécessaires. Exception faite des femmes entre 25 et 34 ans, qui déclaraient, pour 53% d’entre elles, prendre de « nombreuses précautions ».
Autre constat : on connait depuis longtemps l’impact de l’environnement professionnel des femmes enceintes sur leur santé et celle de leur futur enfant. Or, très peu d’aménagements du poste de travail pendant la grossesse sont proposés par les entreprises, ou, en tout cas, les salariées ignorent très largement qu’ils existent. Ainsi seules 27% des actives déclaraient que la limitation des déplacements professionnels était possible dans leur entreprise et seules 9% pouvaient accomplir leur tâche par télétravail.
Ces carences en bonnes pratiques des entreprises ne sont pas sans conséquences sur la santé, puisque 25% des femmes enceintes qui travaillent se sont arrêtées avant le troisième trimestre du fait de grossesses pathologiques. De plus, bien qu’être enceinte et travailler semble banal aujourd’hui dans un pays où les deux tiers des femmes âgées de 15 à 64 ans sont présentes sur le marché du travail, concilier emploi et grossesse ne semble pas si évident. Ainsi, 45% des femmes de moins de 40 ans redoutent de « travailler tout en étant enceintes », une sur dix craignant même beaucoup cette situation. Et les femmes de 25 -34 ans, les plus concernées par la grossesse, s’avèrent être celles dont la perception est la plus négative sur la situation de la femme enceinte au travail.
Cette appréhension peut même amener certaines femmes à cacher leur état le plus longtemps possible par crainte de la réaction de leur employeur. Ainsi, 17% des femmes ayant été enceintes tout en travaillant ont attendu 4 à 6 mois ou plus pour annoncer leur grossesse à leur patron. Ces craintes sont également alimentées par le fait que l’état de « femme enceinte dans l’entreprise » véhicule toujours, d’après l’enquête, des stéréotypes, en particulier du point de vue des hommes. Ceux -ci estiment en effet que la grossesse a un impact négatif sur le travail. Un grand nombre (42%) déclarent qu’ « on ne sait jamais si elles reviendront après leur grossesse » et « qu’elles font en sorte d’être arrêtées le plus tôt possible » (36%). Une proportion importante d’hommes (40%) considère aussi, qu’enceintes les femmes ont moins « la tête au travail » et 20% qu’elles ont moins d’ambition. De plus, selon l’enquête, 9% des femmes trouvaient « qu’au travail, on les sous estimait pendant leur grossesse », et 17% « qu’on les surestimait ». Dans les deux cas, il s’agit d’ un facteur de stress certain.
Dr Alain Dorra
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